Simon (Gabriel Pavie) habite en famille d’accueil avec Anna (Mélanie Thierry), Driss (Lyès Salem) et leurs deux garçons depuis qu’il a à peine un an. Lors des vacances d’été où le clan passe ses journées en camping et aux glissades d’eau, Simon et Anna se rendent à la rencontre hebdomadaire avec le père biologique du garçon, Eddy (Félix Moati). Pendant leur activité père-fils, Anna apprend que ce dernier aimerait en obtenir la garde officielle. La famille, mais surtout la mère, devront alors s’habituer à un tout nouveau rythme afin que Simon retrouve graduellement son père.

Qu’est-ce que « la vraie famille »? Ceux qui ont légalement le statut de parent, ou ceux qui prennent véritablement soin de l’enfant? Le film de Fabien Gorgeart navigue autour de cette question sans jamais vraiment y répondre. Ou, du moins, il nous demande de trouver nous-mêmes la réponse. C’est donc tout en douceur et en subtilités que l’on voit les événements se dérouler du point de vue d’Anna et de son fils « adoptif » (nous le mettons entre guillemets car, légalement, Simon n’a pas été adopté par Anna et Driss), puisque même s’il aurait pu être facile de présenter des portraits grossiers et clichés des personnages d’un côté ou de l’autre pour nous faire davantage pencher d’un côté, le film ne nous indique pas qu’une option soit meilleure que l’autre.

Le point de vue adopté fait en sorte que l’on se ralliera peut-être plus facilement du côté d’Anna, en oubliant presque la légitimité de la garde du père biologique de Simon. Cela dit, et c’est à mon avis une belle force du film, s’il avait été fait à l’inverse (du point de vue du père), nos sentiments auraient été d’un tout autre ordre. Quoi qu’il en soit, il faudra être prêt à sortir ses mouchoirs, car bien que la finale ne surprenne pas vraiment, elle est déchirante, autant pour les protagonistes que les spectateurs. Ceux qui ont des enfants seront probablement plus affectés par le dénouement, puisque le principe directeur de la parentalité veut que l’on souhaite toujours le meilleur pour nos tous petits. Dans ce cas-ci, quelle serait la meilleure famille pour Simon? Celle avec qui il a grandi, une famille vivante et stimulante de deux parents et deux frères, ou celle composée seulement de son père biologique, habitant un petit appartement sans identité, et qui se sent maintenant prêt à en prendre soin?

En fait, si le film essaie de nous faire pencher d’un côté, c’est vers celui de la pratique face à la théorie. Cette critique sociale, si elle en est une, est inaboutie cependant, car bien que l’on sente que l’antagoniste du récit soit la travailleuse sociale, Nabila (Florence Muller), l’accent est surtout mis sur l’expérience parentale et moins sur les failles du système. Il y a toutefois lieu, comme c’est souvent le cas dans les films qui critiquent la bureaucratie, de se questionner à savoir à quel point ceux qui prennent les décisions sont déconnectés de ce qui se passe réellement sur le terrain et des conséquences éventuelles de leurs décisions.

Évidemment, le film ne fonctionnerait assurément pas aussi bien sans la performance solide de Mélanie Thierry, qui a la lourde tâche de devoir paraître forte et imperturbable auprès des enfants, alors qu’elle est intérieurement détruite et nettement plus vulnérable qu’elle le souhaiterait. Nous savons que le tout est de la fiction, mais les thématiques sont particulièrement difficiles, et n’importe quel adulte pourra se sentir interpelé par la réalité crève-cœur d’Anna. Autour d’elle gravitent le reste des membres de la famille desquels se dégage un naturel rafraîchissant. La dynamique de groupe fonctionne très bien ici, et voir les moments de tendresse et de difficultés du clan donnera parfois des impressions de documentaire. La réalisation est majoritairement habile, si ce n’est de quelques moments d’exubérance superficielle dans le mouvement de la caméra. Saluons aussi la performance du petit Pavie, qui est à point dans son premier rôle au cinéma.

La vraie famille n’est pas le premier film à aborder la réalité des familles adoptives, mais il est assurément l’un des plus efficaces du genre. Porté par une distribution solide et une grande sensibilité au sujet, le film a de quoi émouvoir et toucher les spectateurs sans toutefois prétendre proposer des solutions aux quelques problèmes qu’il présente. Il faut seulement vivre avec Anna cette difficile épreuve.

Le film prend l’affiche le 26 août 2022. Les images et la bande-annonce sont une gracieuseté d’Axia Films.

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