Le long-métrage documentaire La fin de Wonderland se veut le portrait de Tara Emory, une artiste vétérane qui travaille de manière indépendante dans l’industrie du sexe depuis le début des années 2000. Accumulatrice compulsive, elle fait face à l’éviction imminente de son immense studio, nommé Wonderland, ce qui l’amène à revisiter son passé familial, son art et elle-même. La réalisatrice Laurence Turcotte-Fraser la suit donc sur une période tumultueuse de sept ans qui voit Emory tenter par-dessus tout de terminer l’un de ses films, Up Uranus.

Le film adopte une trame relativement traditionnelle pour ce type de documentaire. On retrouve une Emory plus âgée qui, malgré le monde imaginaire qu’elle s’est créé, doit faire face à la dure réalité, et à travers cette situation, on en vient à présenter – au compte-gouttes – sa carrière, son influence et son enfance. Je me suis reconnu dans sa façon d’entamer mille et un projets sans en terminer aucun. Il y a, comme moi, de ces personnes qui voient un objet, en décèlent son potentiel, et se l’approprient dans le but d’un jour concrétiser les ambitions que l’on avait pour lui. Puis, les années avancent et le temps nous manque pour réaliser tous ces projets. Certains, comme le père d’Emory, vont mourir en laissant une montagne d’artéfacts derrière eux. D’autres, comme l’artiste, décident de briser cette tendance, et d’arrêter de s’encombrer, tant par dépit que par nécessité, de toutes ces idées inabouties.

Turcotte-Fraser fait également partie de ce type de personnes, comme elle l’a mentionné en entrevue promotionnelle. Si elle aussi se reconnait dans Emory, il semble qu’elle ait toutefois de la difficulté à se distancier de son sujet pour brosser un portrait assez convaincant de l’artiste. On s’égare en effet à de nombreuses reprises de l’objectif principal du film pour s’intéresser à des facettes un peu plus superflues de la vie d’Emory, ce qui témoigne de l’affection que la réalisatrice entretient envers elle. Mais de ne pas s’en éloigner suffisamment fait que l’on a de la difficulté à approfondir la singularité de la présente situation, et au final, la vie et le statut de l’artiste au sein de la communauté de pornographie alternative.

On ne peut pas en vouloir à la réalisatrice d’avoir rendu ce récit dynamique. Les transitions entre les scènes, bien que non motivées, sont tout de même originales et bien exécutées. Il n’empêche que ce documentaire, qui a sa niche, n’est pas pour tout le monde. Au-delà de l’impressionnant et inspirant parcours de résilience, il faut avoir un intérêt pour le kitch et le cosplay pour pleinement tirer profit du visionnement. La fin de Wonderland nous plonge néanmoins dans un réseau alternatif peu abordé au cinéma et qui est mis de l’avant avec passion ici, quoiqu’en surface. Il y a peu à se mettre sous la dent, mais ce qu’on y retrouve mérite néanmoins qu’on s’y intéresse, ne serait-ce qu’en tant que récit qui nous rappelle que rien n’est immuable dans la vie.

Le film prend l’affiche le 9 septembre 2022. Les images sont une gracieuseté de Les Films du 3 Mars.

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