Hillbilly Elegy
Ron Howard est peut-être le réalisateur le plus anonyme de tout Hollywood. Véritable touche à tout, il a dirigé des projets variés, de Willow à A Beautiful Mind en passant par Solo: A Star Wars Story et le documentaire The Beatles: Eight Days a Week. Son plus récent projet, Hillbily Elegy, a le même attrait que plusieurs de ses autres projets. De bonnes performances de sa distribution, des thématiques universelles et une histoire hollywoodienne qui, malgré sa lourdeur, a le potentiel de nous réchauffer le cœur une fois terminée. En surface, c’est exactement ce que propose ce film. Toutefois, lorsqu’on en gratte un peu, on constate que le scénario, en plus de propager davantage des stéréotypes bien implantés, n’a que peu de nouveaux éléments à amener sur la table.
Après une brève introduction de la famille Vance en 1997 qui nous explique que Mamaw (Glenn Close) et Papaw (Bo Hopkins) ont quitté jadis leur Kentucky natal pour s’établir en Ohio avec leur fille Bev (Amy Adams), on retrouve quatorze ans plus tard le fils de cette dernière, J.D. (Gabriel Basso), un ex-militaire et étudiant en droit à Yale. Lors d’une soirée de réseautage avec des représentants des plus prestigieux cabinets d’avocats, J.D. reçoit l’appel de sa sœur Lindsay (Haley Bennett) qui l’informe que leur mère a fait une surdose et est présentement à l’hôpital. Mère de trois enfants, Lindsay ne peut s’occuper de Bev, alors elle demande à J.D. de revenir en Ohio le temps que les choses se stabilisent. Tentant de concilier au possible son passé trouble et son avenir prometteur, J.D. accepte de venir aider sa mère quelques jours, mais il se buttera à son caractère réfractaire.
Basé sur les mémoires de J.D. Vance, le film s’inscrit dans ce qu’on pourrait appeler un récit d’élévation sociale. C’est l’histoire typique d’un jeune garçon prometteur et qui, avec l’aide d’une personne déterminée et qui voit son potentiel (en l’occurrence Mamaw), parvient à s’extirper de sa situation sociale problématique. Bev n’est en effet pas la mère modèle : elle se drogue et bat son fils, ce qui stigmatise du même coup celui-ci. Voyant que J.D. commence à adopter un comportement malsain, Mamaw décide de retirer la garde de l’enfant à sa fille et tente du mieux qu’elle peut de lui faire retrouver le droit chemin. Le parcours sera difficile, mais la grand-mère de J.D. tient absolument à ce qu’il quitte cet environnement trouble, ou du moins qu’il mette tous les efforts possibles pour y parvenir.
La prémisse de base a de quoi séduire, bien que la construction narrative qui se déroule « dans le présent » et dont le fil est parsemé de retours en arrière fasse en sorte qu’on ne ressente jamais vraiment la tension à savoir si J.D. parviendra où non à faire des études universitaires. Dès les premières minutes du film, on sent que son avenir est déjà assez sécurisé, que ce soit parce qu’il bénéficie des avantages reliés à son service militaire, parce qu’il a déjà en poche une entrevue auprès d’un prestigieux cabinet, ou encore parce qu’il est en couple avec Usha (Freida Pinto), l’archétype de la copine parfaite. Son retour à la maison est plus un prétexte pour nous présenter comment le tout s’est effectué, rendant du même coup la trame principale relativement inutile. On ne fait qu’attendre patiemment le prochain retour en arrière (qui est bien évidemment relié à un événement du présent que vit J.D.) qui nous permet d’observer tel ou tel événement perturbateur de sa vie.
Certains pourront se reconnaître dans plusieurs des situations ou personnages d’Hillbilly Elegy. Bien que je ne provienne pas totalement d’un milieu défavorisé, j’ai tout de même assisté à de nombreuses reprises à des situations du type qui sont présentées dans le film, sans les avoir affrontées de front. J’ai eu la chance d’avoir des parents peu éduqués qui ont mis toutes les chances pour que j’aille à l’université, parfois aux dépens de leurs finances personnelles, ce qui fait que j’ai naturellement éprouvé de la sympathie envers le personnage de Mamaw. Par contre, d’autres critiqueront assurément le peu de nuances qui sont apportées dans la représentation de la pauvreté et ceux que cela afflige. Howard se dédouane d’une certaine façon de ces critiques puisqu’il se base sur du matériel de première main, et même si le film aurait gagné à ajouter certaines nuances, il faut avouer que si certains des personnages sont stigmatisés, stéréotypés même, ces stéréotypes proviennent de situations bien réelles comme celles qui se produisent ici. Mon opinion n’est pas à 100% établie encore à ce sujet, mais je laisse le bénéfice du doute au réalisateur et à la scénariste Vanessa Taylor qui tentent davantage de présenter un récit sur la résilience et l’importance de la famille qu’un véritable message social.
Cela étant dit, et malgré les performances inspirées d’Amy Adams et Glenn Close, Hillbilly Elegy peine à suffisamment se distinguer des autres films du genre pour proposer quelque chose de véritablement original. Sa construction classique, clichée même, et le peu d’éléments mémorables font du film une expérience de visionnement des plus banales. C’est en quelque sorte un clickbait à cinéphile : une bonne distribution et des thématiques sociales pertinentes ne supplantent pas un scénario défaillant et un manque d’audace. Le fait que Close soit nommée à la fois aux Oscars et aux Razzies pour son rôle en dit long sur le sentiment ambigu qu’on éprouve tout du long.