En nomination aux Oscars dans deux catégories (meilleure actrice – Cynthia Erivo et meilleure chanson – Stand Up, interprétée par Cynthia Erivo), Harriet nous présente l’histoire incroyable d’Harriet Tubman, une esclave ayant réussi à s’échapper pour revenir sauver sa famille, qu’elle tente de dérober à ses anciens maîtres.

Lorsqu’on fait le choix de présenter des histoires réelles au grand écran, il faut faire attention de reporter les faits tels qu’ils se sont produits, de rendre hommage (ou pas, pensons à Vice) aux gens que l’on choisit de dépeindre mais aussi de trouver une façon de raconter le récit qui soit captivante. Harriet ne réussit malheureusement pas à accomplir tout ça.

Les défauts majeurs du film tiennent dans le fait qu’il nous dit des choses et nous en montre l’inverse. À plusieurs reprises, on nous dit que le chemin entre la maison de ses maîtres dans le Maryland et Philadelphie, là où elle aspire s’échapper, sera ardu, voire impossible à parcourir. Choisissant cependant de ne pas s’étendre sur ces difficultés, la route se fait plutôt rapidement et il n’y a pas véritablement d’embûches. À un autre moment, on suit plusieurs personnages esquisser le plan de se rendre au Canada, insistant sur la longueur du voyage. Même chose ici : la scène ne dure à peine que trois minutes tout au plus.

On pourrait pardonner ces raccourcis si le récit voulait nous amener ailleurs, mais ce n’est pas le cas. Alors qu’on s’attend à passer davantage de temps sur sa nouvelle vie de femme après son arrivée à Philadelphie – après tout, il nous a fallu quelques minutes pour s’y rendre, il doit bien y avoir quelque chose d’intéressant une fois rendu – il n’en est rien. À la place, on retourne au Maryland, plus d’une fois, et on nous présente la même chose à toutes les fois. Ne parlons pas non plus des sous-titres à l’écran indiquant les villes et années, qui, mis à part faire littéralement avancer le récit, ne le servent à rien, en raison du manque de « nouvelle » action de chacune des scènes.

Outre ces aspects un peu moins réussis, on ne peut pas taire le moment qui n’aurait jamais dû se passer, quand la seule et unique route pour se rendre au village est surveillée, que plusieurs esclaves sont cachés dans une carriole, et que, qu’on le veuille ou non, celle-ci n’est pas fouillée, malgré que les gardes sachent qu’Harriet rôde autour du village pour ramener des esclaves et que c’est la seule voiture qui passera sur le pont de toute la journée. Finalement, il faudra faire quelques recherches pour apprendre qu’Harriet Tubman avait des visions, cet élément étant abordé dans le film de façon étrange, sans jamais d’explication.

Pour un film qui se veut un témoignage sur une femme qui a sauvé plus de 700 esclaves pendant la guerre civile (et qui s’est impliquée comme suffragette, s’est bâti un nom et littéralement une vie) Harriet nous laisse sur notre faim. On aurait presque aimé que l’histoire évolue en un Django par moments ; cela aurait été tellement puissant de voir une femme, noire, en 1850, être forte de cette façon. Si l’on ne nous donne pas cette satisfaction, il sera toutefois facile d’apprécier les costumes, les décors, les accents, la chaleur de la lumière et surtout les fragments de chansons, qui tiennent une place symbolique tout au long du récit. Dommage que Stand Up, qui donne des frissons pendant le générique, soit en compétition contre I’m Gonna Love Me Again d’Elton John aux prochains Oscars.

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