À travers notre projet spécial sur les films de Noël, le tout récent Happiest Season est sorti un peu trop tard cette année pour être de nos articles. Disponible sur la plateforme de streaming Amazon Prime, le film de Clea DuVall propose une histoire classique de rencontre de la belle-famille, en ajoutant au passage le difficile coming-out d’une des héroïnes, enfant chérie d’un clan en apparence soudé et parfait. Le résultat est un film différent et dans lequel il sera difficile de ressentir autre chose que de la tristesse et de la frustration.

Abby (Kristen Stewart) déteste Noël, mais sa conjointe Harper (Mackenzie Davis) adore la fête et tout ce qu’elle représente. Après que cette dernière lui demande de passer Noël avec sa famille cette année, Abby se met en tête de la demander en mariage, en demandant d’abord l’accord de son beau-père (Victor Garber). Surprise cependant : Harper n’a jamais fait son coming-out à ses parents. Abby devra donc prétendre être la colocataire hétérosexuelle de Harper, pendant que les parents de sa conjointe tentent de la faire renouer avec son copain du secondaire, Connor (Jake McDorman), qui semble déterminé à la reconquérir. Abby trouvera du réconfort auprès de son meilleur ami, lui aussi gai (Dan Levy, Schitt’s Creek) et de l’ex de Harper, Riley (Aubrey Plaza) qui a plus de choses en commun avec elle qu’elle le croit au départ.

J’attendais beaucoup de Happiest Season, surtout parce qu’il est rafraîchissant de découvrir un film de Noël qui ne fait pas dans l’hétéronormativité. Le couple formé par Abby et Harper a quelque chose de particulièrement charmant… pour autant qu’on ne soit pas dans la famille de cette dernière. En effet, dès qu’on entre dans la maison, Harper se transforme et reprend son rôle d’enfant favorite qui ne veut pas décevoir ses parents. Et, donc, on peut dire adieu au coming-out, et à l’escapade romantique du couple. En fait, on peut se demander pourquoi Harper invite sa copine dans sa famille alors qu’elle sait d’emblée qu’il leur faudra cacher leur relation, et qu’il sera d’abord difficile mais aussi frustrant pour Abby de devoir jouer le jeu alors qu’elle est nettement plus en paix avec son identité que ne l’est sa compagne. Puis, comme s’il fallait en rajouter, renouer avec ses amis du secondaire la transformera complètement, allant même jusqu’à flirter avec Connor devant sa conjointe, tout en lui reprochant d’être jalouse, affirmant qu’elle l’étouffe.

On est donc en présence d’une femme difficile à satisfaire ici et qui n’hésitera jamais à piler sur sa copine pour se faire valoir dans sa famille, car ce qui semble être le plus important pour le clan est l’apparence qu’il dégage. C’est pour cette raison (et parce que son mari veut se lancer en politique) que Tipper, la matriarche (Mary Steenburgen, tout aussi efficace que détestable), s’ouvre un compte Instagram sur lequel elle publie de nombreux clichés (dans tous les sens du terme) familiaux pour ses abonnés. Selon elle, l’espoir de la famille est véritablement Harper, car l’aînée, Sloane (Allison Brie), a tout abandonné avec son mari (Burl Moseley) quand ils ont décidé d’avoir des enfants et de réorienter leur carrière pour produire des paniers de bien-être supportés par Goop, la marque de Gwyneth Paltrow. Malgré le fait que le mariage bat de l’aile de leur côté et que Sloane cherche toujours désespérément l’attention de son père, les deux parents semblent avoir abandonné leur première fille parce qu’elle n’a pas poursuivi une carrière traditionnelle.

La cadette, quant à elle, est probablement celle qui s’en tire le mieux et de qui on profite le plus, et c’est là où le film devient malsain et blessant. Jane (Mary Holland) est cette jeune femme énergique, toujours contente de rencontrer les gens, polie et dévouée, qui travaille à l’écriture d’un roman fantastique depuis plusieurs années. Comme c’était le cas avec Sloane, les parents ont aussi abandonné sur la plus jeune, l’utilisant plutôt pour régler leurs problèmes de connectivité Internet, ce qu’elle s’empresse toujours de faire avec le plus grand entrain, seulement parce qu’elle est le synonyme même de la gentillesse.

En fait, l’ambiance familiale qui règne dans Happiest Season est tout sauf joyeuse. Dès qu’on a mis le pied dans la maison, les tensions sont nombreuses. Les parents n’écoutent pas, les enfants se font la compétition, Sloane semble malheureuse dans sa propre famille, Jane endure le traitement difficile qu’on lui réserve. Toutes les remarques de la mère sont tranchantes, à mi-chemin entre la gentillesse et l’acidité, et le père est trop occupé à remporter ses élections pour s’intéresser vraiment à ses filles.

Ce qui viendra sauver le tout, c’est la présence rassurante de Dan Levy et d’Aubrey Plaza, qu’on aurait voulu voir davantage cependant. Levy a le même genre de rôle que dans Schitt’s Creek ; il nous fera rire et sourire et on aurait aimé qu’il soit toujours là pour Abby, car la visite vire rapidement au cauchemar et il semble avoir toujours les bons mots. Plaza, de son côté, est parfaite dans son rôle de confidente improbable (car elle est après tout l’ex de Harper, qu’on pourrait voir davantage comme une menace qu’une alliée). En fait, tout indique qu’Abby se retrouvera plutôt avec Riley à la fin du film, car leur complicité se développe rapidement et, il faut l’avouer, leur relation est nettement plus solide que celle d’Abby et Harper, au moins parce qu’elle est honnête.

Entre le refus obstiné de Harper de dire à ses parents qu’Abby est sa conjointe et la compétition ridicule qu’elle mène avec sa sœur ainée, le film en perdra plus d’un (moi comprise) quand Harper décide de prendre la toile que Jane compte offrir dans un échange de cadeaux et sur laquelle elle a passé cent heures… et de l’écraser sur la tête de sa Sloane quand celle-ci avoue à la famille que Harper est gaie, après qu’elle a vu les filles s’embrasser. À ce moment, Jane éclate en sanglots et prononce les mots les plus difficiles du film (si ce n’est des « She’s lying, I’m not a lesbian » de Harper quelques secondes plus tôt) ; « I put one hundred hours into that painting and you just destroyed it like it was nothing. It was something. I am something! And guess what. I like myself. And maybe you all don’t because I’m not fancy. But wheter you like it or not, I’m a part of this family« . J’ajoute au passage que Jane parle de son roman à quelques reprises dans le film et qu’on traite toujours le projet comme s’il était ridicule. Mais comme le personnage de Dan Levy est éditeur, Jane aura sa chance de briller, et, sans grande surprise (sauf peut-être pour la famille), le roman est un succès, que la mère s’empressera de publier sur Instagram.

Le film, qui s’auto proclame une comédie romantique de Noël, est loin d’être une comédie. On aurait aimé ressentir davantage d’empathie pour les personnages, mais ils rendent les vacances tellement lourdes qu’on trouvera notre seul réconfort avec les personnes en-dehors de la famille. De même, la rédemption de Harper avant le dénouement arrive un peu trop tard et de façon trop lâche pour qu’on puisse vraiment y adhérer. Les photos Instagram présentées sur les crédits à la fin du film nous présentent une famille unie plus que jamais un an plus tard, et même le délicieux jeu de mot dont on aurait pu se passer ; « En-Gay-Ged! »

Pour quelque chose qui promettait d’être comique et romantique, Happiest Season est surtout dur avec ses personnages et n’ose jamais sortir des limites de son genre. On aurait aimé une autre fin, et, j’avoue, une autre famille.

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