Si la recette fonctionne bien en littérature, la « chick litt », à l’écran, se traduit par des séries telles que Sex and the City, qui suivait l’auteure Carrie Bradshaw, sa colonne sur le sexe et les aventures de ses amies trentenaires dans la Grosse Pomme. Mais est-ce que les femmes plus jeunes, qui n’ont pas encore atteint l’infâme trente ans, peuvent y trouver leur compte? J’avais dix-neuf ans quand j’ai regardé Sex and the City et ça ne m’a pas empêchée de l’adorer pour autant. Pour Lena Dunham, toutefois, la question semble ne pas s’être répondue aussi facilement. En 2012, elle se met donc à l’écriture de Girls, une tentative de copié-collé de la précédente, mais qui met au cœur de son récit cette fois des jeunes dans la vingtaine, et dont le résultat est nettement moins réussi. J’ai regardé le pilote de la série il y a quelques années, sans qu’il ne m’accroche. Récemment, j’ai décidé de retenter l’expérience. Mon aventure, il faut l’avouer, a été houleuse.

Girls, c’est l’histoire de quatre jeunes femmes qui vivent les hauts et les bas de la vie à New York à travers des emplois très ou peu stimulants, des amitiés narcissiques et malsaines, des relations amoureuses difficiles et des problèmes de consommation. On rencontre d’abord Hannah (Dunham) qui se fait couper un support financier par ses parents et doit prendre ses responsabilités. Sa meilleure amie, Marnie (Allison Williams), le fait très bien. Organisée et coincée, elle travaille dans un musée. À elles s’ajoutent Shoshanna (Zosia Mamet), consommatrice de séries télé qui parle plus vite que le rythme de ses pensées et Jessa (Jemma Kirke) sa cousine, sorte de femme fatale dégageant une aura de légèreté que l’on envie autant qu’elle nous agace. Les garçons de leur entourage sont Charlie (Christopher Abbott) le copain de Marnie qui l’aime trop fort, Ray (Alex Karpovsky), le bon ami de Charlie et aussi gérant d’un café, Elijah (Andrew Rannells), l’ex d’Hannah maintenant ouvertement homosexuel et Adam (Adam Driver), aspirant acteur présenté d’abord comme un salaud, mais qu’on apprendra à aimer.

Il est plutôt difficile de parler de Girls en abordant autre chose que les thèmes, les costumes et les décors. Alors que Sex and the City met à l’avant des appartements new-yorkais improbables, Girls présente des logements plus réalistes, à des prix tout de même exorbitants. Au point de vue des costumes, les quatre femmes ont des personnalités totalement différentes, et cela se transpose aussi dans leurs garde-robes. Hannah est souvent vue sans soutien-gorge dans des morceaux peu flatteurs, Marnie est plus classique en raison de son métier, Shoshanna entretient une passion pour les gens riches et célèbres, et cela transparaît dans ses coiffures et ses vêtements. Finalement, Jessa est souvent vue dans de longues robes bohèmes et garde ses longs cheveux détachés.

Pour une série qui se veut féministe, Girls présente tout de même des filles qui ne sont rien sans les hommes de leur vie. Dès sa rupture avec Charlie, Marnie devient détestable. Elle cherche à être constamment le centre de l’attention, blesse consciemment des gens pour assouvir ses besoins instables et chaque scène où elle est présente nous fera ressentir un profond malaise. Hannah, de son côté, est détachée de toutes les situations. On ne parvient malheureusement pas à se rallier à ce désintéressement pour le moins feint. Jessa le rend nettement mieux, mais encore une fois, le sentiment de force brute qui en émane est beaucoup trop cliché et on souhaite vraiment la voir craquer à un moment ou à un autre. Shoshanna, malgré son énergie énervante, est probablement le personnage le plus sensé des quatre, mais, force est de constater que ce sont les hommes, ici, qui sont les mieux présentés. Charlie met sur pied une application mobile ayant un grand succès et se retrouve à la tête d’une compagnie digne de la Sillicon Valley. Ray se retrouve par la force d’événements à la tête d’un café et reprend sa vie en main. Adam décroche finalement un rôle sur Broadway et vit ses rêves. On ne peut pas en dire autant des filles, qui errent sans but en ne parvenant pas à se poser.

Plus j’avançais dans la série, plus j’ai été agacée de certains éléments, notamment l’omniprésente nudité. On peut féliciter Lena Dunham d’être à l’aise avec son corps. Cependant, avoir eu le choix, j’aurais préféré ne pas la voir aussi souvent nue à l’écran. Dans les dernières saisons, on pousse encore plus loin. Vous pouvez donc dire bonjour aux poils pubiens, quand on assiste à une scène d’accouchement dans une baignoire ou lorsque Hannah, simplement, décide de se faire bronzer le vagin. Plus on enchaîne les épisodes, plus on souhaite que la torture cesse. Cette nudité est totalement gratuite et ne sert aucun objectif.

Mis à part cet élément déjà agaçant, les Girls semblent n’avoir aucune morale, jamais. Je pense notamment au moment où Hannah a enfin un copain qui pense comme un adulte et qu’elle n’est absolument pas capable de gérer cette maturité (jusqu’à courir en pyjama dans les toilettes d’un rest area pour lui annoncer qu’elle le quitte), mais les exemples sont particulièrement nombreux. Au fil des saisons et des épisodes, si le découragement nous a pris plus d’une fois, il reviendra nous faire rouler des yeux toujours plus intensément, en amenant avec lui un profond sentiment de dégoût devant cet entêté refus de vieillir des filles. Il sera très difficile de s’associer à un personnage de la série. Si je rencontre un jour quelqu’un qui me dit « je suis définitivement une Marnie! », ça n’aura assurément pas le même charme que de se comparer même à une « Samantha » de Sex and the City. J’apporte tout de même une nuance importante ici : les hommes de la série, encore une fois, sont définitivement ceux auxquels on peut le plus s’attacher, Elijah en tête et Adam pas très loin derrière. Le premier connait la plus belle évolution, et je saluerai toujours le fait qu’il soit devenu un point d’appui pour un personnage vivant un coming-out difficile. Le second, quant à lui, vit un déclic important qui le fait changer du tout au tout et pour le mieux.

En rétrospective, il n’y a malheureusement rien d’attachant dans la série. À travers ses personnages détestables et ses trames narratives agaçantes, on ne ressort qu’avec un très profond bien-être en se comparant avec les filles (car la série n’aurait absolument pas pu se nommer Women) de maintenant presque 30 ans.

À vouloir faire cette critique, j’ai lu (et cherché) plusieurs articles qui validaient mon opinion pour me conforter dans mon sentiment de haine envers l’émission. Ce que Girls m’a fait vivre est totalement malsain. Et c’est vraiment dommage de ressortir de mon expérience en me disant que la meilleure chose qui me soit arrivée dans ce parcours est qu’il puisse enfin se terminer, au même titre que les héroïnes qui ont finalement compris que rien de bon ne pouvait ressortir de leur amitié.

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