Star de l’information télévisée française, France de Meurs (Léa Seydoux) est l’une des journalistes les plus réputées de France. Ses reportages sont salués à tout vent, bien qu’elle mette en scène la grande majorité d’entre eux dans le but de les rendre sensationnels. Le jour où elle heurte la mobylette d’un livreur immigré (Jawad Zemmar), la reporter perd de son assurance et devient en quelque sorte elle-même la proie de la presse à sensations. La journaliste est alors entraînée dans une spirale de remise en questions qui déborde jusque dans la sphère personnelle, alors qu’elle s’éloigne de plus en plus de son mari écrivain (Benjamin Biolay) et leur garçon mal élevé (Gaëtan Amiel).
Quel étrange film que France, nouveau projet de Bruno Dumont (Jeanne, La vie de Jésus). D’une part, on salue la satire marquée du monde médiatique français, d’autre part on questionne les véritables intentions du réalisateur. On peine à discerner sa vision, le message qu’il tente de passer, surtout dans la seconde moitié du film où la satire laisse abruptement place au drame de la célébrité. Lorsqu’on croit saisir le ton du récit, celui-ci change radicalement et c’est là qu’il perd son auditoire.
Le principal problème du film réside dans son scénario particulièrement cliché et qui défie toute crédibilité. Constitué d’une succession de scénettes sans véritable fil conducteur, le récit explore l’égo des personnalités médiatiques et l’hypocrisie journalistique, deux thématiques déjà exploitées allègrement au cinéma, sans amener de nouvel élément singulier. Certes, la caricature – qui prend la forme de faux-reportages et de behind-the-scenes télévisuels – peut être efficace quelques minutes, mais elle devient rapidement lassante quand on comprend que ces éléments seront les seules touches d’humour du film. Pire encore, on dirait que Dumont a donné le mandat au monteur Nicolas Bier de faire s’éterniser chaque scène. Le résultat est un film décousu dépourvu d’émotion, voire superficiel.
À cela s’ajoutent de nombreuses incongruités qui font perdre toute crédibilité à France. Lorsque vous verrez la nature de l’incident à la base de l’élément déclencheur du récit, vous vous demanderez si Dumont prend lui-même au sérieux son film. De même, l’amourette au cœur de la seconde moitié du film vous semblera aussi impossible que ridicule, pour autant que vous n’ayez pas déjà abandonné à ce stade. Les quelques-uns d’entre vous qui auront outrepassé ces problèmes se butteront probablement au pauvre développement des personnages ou aux relations complètement saugrenues qu’ils entretiennent.
Dumont se perd à un tel point dans les effets de style décalés et la succession d’événements tirés par les cheveux qu’il est impossible de vraiment s’attacher au personnage de France, et ce, malgré la performance inspirée et larmoyante de Seydoux. Vers la fin du film survient un accident de voiture, scène qui devrait être un grand moment d’émotion, et qui pourtant est filmée à la manière d’une publicité d’automobile ou encore comme une scène d’action tout droit sortie d’un Fast and Furious. Qu’essaie-t-il de nous faire comprendre à ce moment? Tente-t-il de pousser à l’extrême l’analogie entre les reportages bidons de la télévision française et la forme même du film? Nul ne saurait le dire.
La musique ajoute un autre niveau dissonant qui intensifie un drame qu’on peine à saisir. Dumont est un iconoclaste notoire du cinéma français, mais dans France on peine vraiment à discerner si les nombreux problèmes scénaristiques sont pleinement assumés ou s’ils ne sont que les maladresses d’un réalisateur qui fait difficilement passer son message. Le film a été accueilli à sa première représentation à Cannes par des huées, et on ne peut en vouloir au public. France est un grand fouillis que ni Seydoux, ni Blanche Gardin (qui joue son agente), ne parviennent à sauver.

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