Il est facile de juger un documentaire sur les réflexions qu’il suscite en nous, ou sur la problématique qui en est au cœur. Souvent revendicateurs, les documentaires ont pour but d’exposer un fait, une situation, afin de les faire connaitre par un plus grand nombre de personnes possible. Très peu se soucient de l’esthétisme de leur présentation, et ils ne se fient qu’à l’histoire pour être intéressants. Femme(s) va à l’encontre de ces documentaires traditionnels, tout en se rapprochant de la forme documentaire la plus simple. Au centre de ses préoccupations, il y a cette également simple mais éternelle question : Qu’est-ce que c’est d’être une femme au quotidien? Pour tenter d’y répondre, Yann Arthus-Bertrand et Anastasia Mikova nous transportent dans plus de 50 pays et vont à la rencontre de 2000 femmes qui ont accepté de témoigner de leurs expériences de vie. Le film porte un regard admiratif sur toutes celles qui, chacune à leur façon, s’affirment et combattent les stéréotypes.

Chacune des femmes présentes à l’écran nous fait part d’une tranche de vie, très différentes, façonnées par leur histoire familiale, leur culture ou leur foi. Il y a autant de femmes connues que d’inconnues, mais toutes ne sont jamais identifiées au cours du film. C’est un véritable film mosaïque qui surprend par sa beauté et son espoir malgré les situations difficiles que les femmes vivent au quotidien. Le film suit grosso modo une trame chronologique des enjeux que vivent les femmes tout au long de leur vie. De leur expérience de jeunesse, elles abordent la puberté, l’excision, l’image qu’elles projettent et qu’elles se font d’elles-mêmes, l’éducation, leur travail, le sexe, la maternité (et l’avortement), le mariage et la vieillesse, entre autres. Alors qu’on pourrait penser que 107 minutes de femmes qui témoignent sur fond noir, en plan rapproché, peuvent s’avérer longues, le film demeure captivant tout du long. Il se dégage de ces femmes une beauté, une force, qui est aisément palpable. Les grands blocs d’entrevues sont entrecoupés de plans visuellement magnifiques (une femme qui nage aux côtés d’une baleine, plusieurs plans fixes de femmes dans leur quotidien, ou encore une scène finale hypnotisante composée de chorégraphes qui sautent le long d’un building en verre), qui témoignent de la longue carrière de photographe d’Arthus-Bertrand.

Outre son aspect visuel, la meilleure chose du documentaire est de nous faire prendre conscience de toutes les choses qu’elles vivent ; tous les abus et les adversités à travers lesquels les hommes n’ont pas nécessairement à passer. Toutefois, la portée du film va au-delà de ça. Si les hommes ont à notre avis plus à gagner à visionner Femme(s), les femmes y trouveront assurément du réconfort, de la compréhension, mais surtout un sentiment de puissance. Car au fil des témoignages, on comprend rapidement que le documentaire se veut une ode à ce que cela signifie d’être femme. On rencontre des wonderwomen et des femmes ordinaires, qui aiment la vie et la célèbrent à leur façon. Ces femmes, elles ont toutes en commun d’être fières d’être du « sexe faible » (qui n’est jamais présenté comme tel ici), malgré les adversités professionnelles, familiales, religieuses même, qu’elles vivent ou ont vécues. Elles se réconfortent lors d’un cancer en se faisant belles pour se faire du bien, elles célèbrent l’orgasme et les plaisir du sexe, elles excellent dans leurs domaines. En tant que spectateur ou spectatrice, on ne peut qu’être profondément interpellé.e par cette victoire très personnelle à chacune d’elles.

De nous faire vivre cela en mettant autant en valeur les femmes, c’est tout simplement exceptionnel. C’est une production qui se rapproche de l’histoire orale, ou de l’anthropologie. C’est un document précieux de témoignages pertinents, et on souhaiterait que des films du même genre soient réalisés pour plusieurs groupes culturels qui sont très souvent incompris. D’ailleurs, les deux réalisateurs ont travaillé sur un projet similaire en 2015 intitulé Human. Femme(s) parvient à mettre en mots (et en images) les bons et les mauvais côtés d’être une femme mieux qu’aucun autre film avant lui. Il est revendicateur, certes, mais jamais accusateur. Il prône la discussion et la compréhension, dans des situations qui mériteraient parfois la révolte, tout simplement. Il maintient un fil conducteur tout du long, ce qui est exceptionnel, car on aurait aisément pu s’égarer du message original une fois dans la salle de montage.

Nous ne pouvons pas suffisamment vous recommander de visionner Femme(s). Il témoigne de l’universalité de la condition féminine et, surtout, de la résistance, de la force de ces femmes qui vivent dans l’inégalité à chaque jour et qui ont le courage de se mettre, littéralement, à nu devant la caméra. Nous pourrions parler encore longtemps de ce film, mais les mots ne rendraient pas totalement sa beauté, sa pureté, sa force même. Ce documentaire est tout simplement exceptionnel et mérite d’être vu par tou.te.s.

Fait partie du top 100 de Jade (#32).

Fait partie du top 250 d’Alexandre (#196).

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