Quatre amis devenus professeurs au secondaire se retrouvent pour célébrer le 40e anniversaire de l’un d’eux, Nikolaj (Magnus Millang). Pendant leur rencontre, Martin (Mads Mikkelsen) devient émotif lorsqu’il avoue être sombré dans une routine aliénante. C’est alors que Nikolaj propose au groupe une expérience basée sur une théorie du psychiatre Finn Skårderud qui veut que l’être humain bénéficierait à maintenir un taux constant de 0.05% d’alcool dans le sang, ce qui lui permettrait d’être plus relax et créatif. Retrouvant leur vivacité de jeunesse, les quatre hommes s’embarquent dans cette folle aventure pour constater finalement que l’alcool peut avoir des effets différents d’une personne à l’autre.

La prémisse de Druk ressemble en quelque sorte aux défis que l’on se donnait entre amis étant plus jeunes. Ils servaient à démontrer un point, à prouver lequel d’entre nous était le plus courageux (ou orgueilleux), mais avant tout c’était une façon de s’amuser, de vivre une expérience commune parfois à l’insu des autres. La crise de la quarantaine semble le moment propice pour faire ressurgir ces souvenirs d’enfance desquels on est souvent nostalgiques, ce qui explique la motivation des quatre amis à vouloir tenter leur expérience. Toutefois, ils constateront tous, à un moment où l’autre, que les responsabilités de la vie adulte se mêlent bien difficilement aux frivolités de ce défi.

Le film s’est beaucoup fait critiquer de faire l’apologie de l’alcool, au sein d’un pays – le Danemark – où la consommation chez les jeunes est un fléau, et à certains égards je serais porté à le croire également. L’âge minimum pour pouvoir commencer à boire est fixé à 16 ans, ce qui fait que la plupart des élèves de l’école où enseignent les quatre hommes se sont déjà livrés à des beuveries dignes de mention. C’est d’ailleurs l’une d’elle qui ouvre Druk et qui provoque une réunion entre les parents et la direction de l’école. Lorsque le quatuor débute son expérience, elle a somme toutes des conséquences positives sur leur vie, spécialement pour Martin, qui se transforme du jour au lendemain d’un professeur d’histoire ennuyant à l’un des plus dynamiques de l’école. De même, l’alcool lui permet de raviver la flamme entre sa femme et lui, flamme qui s’est éteinte plusieurs années auparavant.

Je crois cependant que le réalisateur Thomas Vinterberg adopte une approche nihiliste du sujet. De façon détachée et sans jugement, il explore le récit un peu comme le ferait un chercheur envers une expérience. Pour certains, l’alcool peut avoir des effets bénéfiques (si on maintient un taux respectable de 0.05) et pour d’autres cela peut avoir des répercussions sérieuses. Si on connait déjà les conséquences négatives que cela peut causer – alcoolisme, dégradation de l’hygiène de vie, dépression – Vinterberg nous présente les deux côtés de la médaille, sans préjugés. En fait, si un message se discerne à un point dans le film, c’est l’importance de la consommation responsable. Ce n’est que lorsque le quatuor pousse plus loin leur expérience en franchissant le 0.05 que les choses deviennent négatives.

Mads Mikkelsen est un acteur bien établi à Hollywood qui n’oublie pas ses racines, lui qui joue dans des films danois relativement fréquemment. On connait son talent et son charisme, mais il est très bien accompagné des trois autres acteurs moins connus qui complètent le groupe. Si c’est Mikkelsen qui mène la danse, la chimie opère auprès des quatre acteurs pour notre plus grand bonheur. Les adolescents sont eux aussi très crédibles, mais la distribution est mise en valeur par la vision de Vinterberg, dont la réalisation fluide évolue au même rythme que le niveau d’alcoolémie de ses protagonistes. Sa récente nomination aux Oscars est une consécration pour le réputé réalisateur danois à l’origine de Jagten (The Hunt).

D’abord et avant tout, Druk est un film qui veut représenter une expérience, une théorie que l’on n’oserait jamais essayer, mais que nous sommes curieux de voir comment elle va se terminer. J’avais peut-être un peu trop d’attentes envers ce film primé partout où il est passé, et s’il ne possède peut-être pas de nombreux niveaux d’analyse, c’est tout de même un film divertissement de qualité. Le tout est présenté comme une comédie dramatique, et si ce dernier aspect est prépondérant dans la seconde moitié du film, sa finale exubérante et énergique vous laissera dans un état euphorique paradoxal et ambigu. Vous ne saurez pas trop quoi en penser, mais il vous restera étrangement un souvenir positif de votre expérience, comme d’une soirée bien arrosée dont quelques détails vous échappent.

Laissez un commentaire