Dans une galaxie près de chez vous
Ceux qui ont grandi dans les années 1990 se souviennent assurément des émissions québécoises qui ont marqué Canal Famille avant que la chaîne n’évolue en Vrak.tv en 2001. Avant de se retrouver avec une offre de plus en plus constituée de séries doublées en français s’adressant aux adolescents comme Radio Free Roscoe, Les frères Scott ou Le loup-garou du campus, Canal Famille vise dans le mille en 1999 avec Dans une galaxie près de chez vous, une nouvelle série humoristique québécoise offrant un contraste bienvenu avec l’énervée Radio Enfer prenant place dans une école secondaire. Cette fois, on présente une bande d’adultes à l’écran, dans un vaisseau spatial de surcroît. Avec comme prétexte le réchauffement climatique qui commençait à se faire sentir malgré le verglas de 1998, l’équipage du Romano Fafard, mené par le Capitaine Charles Patenaude (Guy Jodoin, dans une performance extraordinaire), nous fera voyager pendant 65 épisodes et deux films. Plus de vingt ans plus tard, la série est-elle toujours pertinente et a-t-elle bien vieilli?
Comment résumer la série? Ah, oui! « Nous sommes en 2034. La situation sur la Terre est catastrophique. La couche d’ozone a été complètement détruite par les gaz carboniques des voitures, l’industrie chimique et le push-push en cacanne. Résulat : la Terre cuit sous les rayons du soleil. Les récoltes sont complètement brûlées, il n’y a presque plus d’eau potable et les compagnies de crème solaire s’enrichissent. La situation devient urgente : il faut trouver une nouvelle planète pour y déménager 6 milliards de tatas. C’est ainsi que le 28 octobre 2034 le vaisseau spatial Romano Fafard quitte la Terre en route vers les confins de l’univers. Là où la main de l’Homme n’a jamais mis le pied. »
Je ne doute pas une seconde que les lecteurs et lectrices de cet article ont pu réciter le discours d’ouverture en se rappelant les inflexions de voix de Claude Legault, en se souvenant de la musique qui suivait le texte, et en voyant encore le vaisseau foncer dans des planètes pour fracasser l’écran sur les dernières notes aiguës de la mélodie. Aucun doute : Dans une galaxie est une série qui marque les esprits, toujours aussi fortement même vingt ans après la fin de sa diffusion.
En effet, qui ne se souvient pas de la relation amoureuse entre Valence (Sylvie Moreau à partir de la saison 2, Isabelle Brossard dans la saison 1) et le Capitaine, de la relation du pilote Bob (Didier Lucien) avec les pogos, du diabolique Brad Spitfire (Stéphane Crête) et de la Spitfire Corporation, de toutes les versions de Serge l’androïde (Réal Bossé), des expressions du Capitaine ou même des portes automatiques du vaisseau, des costumes, des décors de planètes et des invités spatiaux? À dresser la liste, elle me semble impossible à terminer, tant tout ce qui a été présenté dans la série est mémorable à sa façon. Si créer une série humoristique est toujours difficile à bien doser, on peut dire que Dans une galaxie a atteint l’objectif, que ce soit par ses jeux de mots, son humour physique ou ses situations improbables qu’on traite comme si de rien n’était.
Je dis « improbables » en pensant par exemple au fait que la plupart des planètes visitées ont de l’oxygène ce qui permet aux héros d’y aller sans casque, au fait que presque tous les habitants de ces planètes ou les invités dans le vaisseau parlent français, ou au fait que la série a décidé de simplement transposer notre vie sur Terre dans le Romano Fafard. Ainsi, les repas préparés sont les mêmes qu’à la maison et les membres de l’équipage ont toujours à portée de la main plusieurs costumes et accessoires comme leurs instruments de musique pour se désennuyer.
Toutefois, il est particulièrement facile de pardonner la série pour ces incohérences tant l’univers est attachant et que l’objectif principal est l’humour. On doute fort que, si le Canada devenait effectivement la première puissance mondiale, l’équipage serait totalement québécois. Mais quand on a accepté cet aspect farfelu, on en ressort avec un grand plaisir. Parlons aussi des costumes et accessoires. C’est bien une télécommande qui se trouve sur le torse des costumes spatiaux, et un coffre à crayon qui servira à un moment d’ordinateur portable. Dans la même veine, les effets spéciaux n’ont jamais eu la prétention d’être parfaits, on sait pertinemment que les images dans l’espace sont tournées sur fond vert et le vaisseau lui-même semble avoir été bâti avec une conserve de sardines surmontée d’une conserve de soupe.
D’abord plus timides à la première saison, les épisodes se concentraient sur des aventures simples dans le vaisseau. Certains personnages (moins intéressants à mon avis) sont partis pour faire place à de nouveaux membres d’équipage et ces revirements de situations sont expliqués de façon totalement cohérente dans le contexte de la série. À partir de la seconde saison, on commence à explorer plusieurs planètes, toujours dans le même décor au faux sable qu’on apprend à aimer de plus en plus au fil des épisodes. Puis, plus l’intrigue avance, en stagnant toujours un peu tout de même, plus les rencontres sont intéressantes. Que ce soit le yâble (Alexis Martin), le gérant d’une planète-casino (Vincent Bolduc), une voyante (Marie-Chantal Perron), une mutante (Geneviève Brouillette) ou même Elvis (Louis Champagne), chaque nouvelle aventure nous amène toujours un peu plus loin dans l’absurde. On ne fait jamais l’effort d’expliquer pourquoi tout le monde se comprend, mais on l’accepte, parce que ça nous fait du bien, ça nous fait rire et parfois, même, nous fait réaliser à quel point cette satire regorge de pénibles vérités sur l’espèce humaine.
En 2020, il faut avouer que certains éléments ont mal vieilli. Serge l’androïde, dans l’une ou l’autre de ses versions, a la possibilité de devenir n’importe qui, car plusieurs rôles ont été programmés dans son système. En transition entre certains personnages, Serge bloque sur le mode « fifure », qui le fait parler avec une voix plus aiguë. À d’autres moments, on juge le fait que Brad ait voulu devenir danseur de ballet, Serge se transforme en coiffeur et adopte encore une nouvelle gestuelle, ou encore Brad est particulièrement méchant avec Bob concernant son tour de taille et ses repas préférés. À cela on ajoute toutes les fois où le Capitaine crie sur Pétrolia (Mélanie Maynard) et la traite de conne à de nombreuses occasions.
Quiconque a regardé cette série attend avec impatience le lancement du vaisseau le 28 octobre 2034. Un événement Facebook a été créé il y a plusieurs années à ce sujet, et gageons que l’équipe concoctera quelque chose. En fait, il serait particulièrement décevant que rien n’ait été planifié. Si la série s’est construit un auditoire toujours plus large et plus fidèle lors de sa diffusion sur Canal Famille et Vrak, la magie a opéré jusqu’à ajouter deux films aux aventures de l’équipage dans les années qui ont suivi. D’abord conçue comme un récit pour les jeunes, Dans une galaxie a aussi su plaire aux parents de cet auditoire et il semblerait que l’on demeure toujours à l’affût du prochain projet annoncé prenant place dans cet univers, comme la bande dessinée qui devrait paraître un jour chez Perro Éditeur.
Il est plutôt rare qu’une série prenne cette ampleur dans le paysage québécois. Bien sûr, District 31 accueille des milliers de spectateurs chaque soir, mais se souvient-on aussi facilement d’autres trames narratives et moments marquants que ceux de Dans une galaxie? J’ai le souvenir que les personnages de 4 et demi… étaient des vétérinaires, et que Pete et Lola étaient « le couple » de Chambre en ville. Je me rappelle de Michel Couillard, et de la façon dont a été tourné Un gars, une fille. Mais je ne me souviens aucunement de citations précises de ces émissions ou des thématiques de leurs épisodes. À voir l’enthousiasme qui existe autour de la série encore aujourd’hui, Dans une galaxie a non seulement réussi à se tailler une place importante en 1999, mais aussi à la conserver en 2020, et je ne doute pas une seconde que l’énergie sera particulièrement au rendez-vous le 28 octobre 2034.