Crip Camp a fait forte impression lors de sa première à Sundance au début de l’année 2020, y remportant le prix du public. Produit par les Obama, le documentaire s’intéresse au mouvement de revendications des personnes handicapées au cours des années 1970, en mettant l’accent sur les anciens membres de Camp Jened, une colonie de vacances pour jeunes handicapés située dans l’État de New York. Si le film débute avec des témoignages de l’expérience de ces jeunes et de l’impact que le camp a eu sur leur vie, rapidement on se penche sur les mouvements de protestations menés entre autres par Judy Heumann, l’une des anciennes participantes.

Le titre du film est en quelque sorte fallacieux puisqu’il s’intéresse moins à ce camp qu’à l’impact qu’il a eu sur plusieurs de ses résidents. Fondé au début des années 1950, il était reconnu comme un endroit sans jugement où tous les campeurs, peu importe leur handicap, étaient respectés à leur juste valeur, un lieu où ils pouvaient évoluer sans gêne et être traités au même titre que tout le monde. On y suit quelques anciens, notamment Jim LeBrecht (qui signe également la co-réalisation), Heumann et Denise Sherer Jacobson, au lendemain du « Summer of Love ». La contre-culture bat son plein aux États-Unis et ces jeunes, qui ne demandent qu’à prendre part à ce mouvement (plusieurs auraient voulu participer à Woodstock, par exemple), sont rebutés par l’intolérance de la population américaine envers leurs préoccupations.

Une chose que le documentaire fait bien est qu’il n’est jamais victimisateur ou accusateur. Il est plutôt un témoignage poignant de la façon dont nos expériences de jeunesse peuvent influencer tout le cours de nos vies. Nous avons tous eu ces moments fondateurs, ces épiphanies qui nous ont forgé en tant qu’être humain, et Crip Camp nous démontre comment une poignée de jeunes handicapés ont pu, eux aussi, vivre une expérience similaire. Car, avouons-le, Camp Jened est un endroit très singulier pour l’époque, un lieu dont très peu de jeunes ont pu bénéficier, mais qui a été extrêmement bénéfique pour ceux et celles qui y sont allés.

Si le film est à mon avis à son meilleur lorsqu’il présente la fraternité qui règne au camp, le point focal change rapidement quand il aborde les différents moyens de pression des groupes de revendications. Heumann est véritablement au cœur du documentaire, elle qui a mené plusieurs luttes à New York au cours des années 1970. Cette seconde moitié est peut-être plus traditionnelle dans sa forme, mais son sujet méconnu en fait un résultat intéressant et engageant tout du long. Toutefois, si tous et toutes n’ont pas pris part à ces mouvements, leur expérience a permis à plusieurs négligés de pleinement s’affirmer et de tailler leur place à leur façon au sein de la société.

C’est peut-être le plus important legs de Crip Camp que de donner à l’auditoire un véritable sentiment d’empowerment, de prouver que peu importe nos différences, on peut changer les choses, pour autant que tous soient traités équitablement. Mais avant tout, c’est un brillant documentaire sur comment même la plus petite initiative – comme celle de construire un camp de vacances pour handicapés – peut avoir des répercussions majeures sur la vie de nombreuses personnes à qui on ne réservait aucun avenir.

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