C’est magnifique!
C’est magnifique!, contrairement à ce que son titre indique, n’a rien de magnifique à proposer. Pour son troisième long métrage, le comédien et réalisateur Clovis Cornillac multiplie clichés et incongruités pour nous exposer cette fable fantaisiste dans l’esprit du Fabuleux destin d’Amélie Poulain qui ne possède ni sa magie ni son charme. Si la prémisse de base semble familière, l’exécution y est particulièrement laborieuse, malgré un duo d’interprètes efficace.
Pierre (Cornillac), dans la quarantaine, a (supposément) toujours vécu loin de la société. Passionné d’apiculture, il dédie tout son temps à la confection de miel dans la plus pure des traditions. Lorsque ses parents décèdent, il découvre qu’il a été adopté et doit apprendre à survivre dans une société moderne qu’il n’a jamais connue. Déterminé à élucider le mystère de ses origines, il fait équipe avec Anna (Alice Pol) qui, touchée par la bienveillance de cet homme atypique, accepte de lui venir en aide.
Le premier son de cloche survient à l’arrivée de Pierre à Lyon (très bien mise en valeur par ailleurs), alors qu’il pénètre pour la première fois dans l’appartement que possédaient ses parents (et dont il ne connaissait pas l’existence). S’émerveillant à chaque nouvelle ampoule activée, il est époustouflé par la télévision (un concept qu’il ne connaissait visiblement pas), et peine à comprendre comment prendre une douche sans inonder son nouveau logis. Puis, le lendemain, à la boulangerie locale, il se commande une viennoiserie sans comprendre qu’il doit payer pour l’obtenir. C’est à partir de ce moment qu’on se met à décrocher de l’univers qui nous est proposé.
On a probablement tous déjà vu un film où le protagoniste est lancé dans un univers qu’il ne saisit pas et qui tente tant bien de mal de s’y acclimater. De L’enfant sauvage de Truffaut aux Visiteurs de Jean-Marie Poiré, ce sujet a été abordé à de nombreuses reprises auparavant, avec beaucoup plus de succès qu’ici. Pourquoi? Parce qu’on prend le temps de bien établir le mode de vie du personnage principal avant ce déracinement, question de bien comprendre en quoi son nouveau monde est différent de celui qu’il connait. Il n’y a rien de tout ça dans C’est magnifique!, alors que l’on ne voit Pierre dans son coin de pays reclus que quelques minutes seulement. On ne comprend en rien en quoi le fait de quitter la campagne pour la ville signifie un dépaysement tel qu’on ne comprend pas la conception de l’argent, de l’électricité ou des conventions sociales.
C’est d’autant plus flagrant lorsqu’on constate, bien que brièvement, qu’il possède un vinyle (que l’on devine être de l’interprète de la chanson-thème du film). Ne l’a-t-il jamais fait jouer avant (ce qui impliquerait que sa chaumière ait été équipée d’électricité)? Il faut bien également que quelqu’un se le soit procuré par le biais d’un échange monétaire, non? D’ailleurs, lorsqu’un ami de la famille vient lui donner un chèque de 45 000 euros comme héritage de ses parents, Pierre semble comprendre ce que cela représente, ou du moins qu’une unité monétaire telle que l’Euro existe. On se demande alors à quel point il était séparé du monde extérieur pour se retrouver presque sans repères à Lyon, ce à quoi le film ne propose aucune réponse.
L’une des règles de base d’un scénario en bonne et due forme est qu’il doit respecter les codes de son univers, aussi fantaisiste et incongru soit-il. Ici, on n’a aucune idée de ce que Pierre connait et ne connait pas, ni pourquoi ces connaissances lui sont manquantes. Pour moi, ça enlève toute crédibilité au reste du récit, même si ses intentions sont louables. Et malheureusement, plus l’histoire progresse, moins on adhère à ce qui nous est présenté.
Pendant près de la moitié du film, on assiste à sa quête pour trouver ses parents biologiques. C’est alors qu’un événement mystique survient : Pierre change de couleur lorsqu’il vit un choc émotionnel. Pourquoi? Nul ne le sait. Y a-t-il une symbolique particulière à ce changement? Pas vraiment. En fait, le récit fait débouler ses péripéties sans justification ni lien logique, et nous vivons avec exaspération chaque nouvelle situation.
Pour ajouter à la déficience du scénario, à mi-parcours le point focal passe de Pierre à Anna et sa quête pour retrouver la garde de sa fille. Bien que cela ne nuise pas particulièrement au film, ce transfert témoigne des faiblesses de la prémisse de base, aussi peu originale et incongrue qu’elle soit. Toutefois, il ne sert qu’à justifier une finale aussi saugrenue que décevante.
Parmi tout ce négatif, il faut souligner les performances plus que décentes de Cornillac et Pol, somme toute efficaces. S’ils ne sont peut-être pas aussi drôles qu’on le voudrait (notamment en raison des nombreux clichés humoristiques qui parsèment le récit), ils sont capables d’amener une certaine tendresse à leur personnage respectif. Des acteurs moins aguerris auraient donné encore moins de saveur au film. Leur interprétation, ainsi qu’un esthétisme assez charmant, sont les seules qualités d’un film particulièrement sans saveur. C’est banal!
Le film prend l’affiche le 26 août 2022. Les images sont une gracieuseté d’AZ Films.