« Adieu les cons » d’Albert Dupontel

Albert Dupontel (9 mois fermeAu revoir là-haut) est passé maître dans l’art de créer des univers visuels originaux et créatifs. Véritable disciple des Monty Pythons, le réalisateur français nous arrive avec son plus récent film, Adieu les cons, un hommage avoué au Brazil de Terry Gilliam (qui interprète d’ailleurs un petit rôle ici). Lauréat de plusieurs Césars dont celui du meilleur film, ce récit kafkaïen, plus ancré dans la réalité que les précédents films de Dupontel, se présente comme une aventure déjantée et surprenante, teintée de cynisme et d’humour noir.

Lorsque Suze Trappet (Virginie Efira) apprend à 43 ans qu’elle est sérieusement malade, elle décide de partir à la recherche de l’enfant qu’elle a été forcée d’abandonner quand elle avait 15 ans. Sa quête administrative va lui faire croiser JB Cuchas (Dupontel), quinquagénaire en plein surmenage, et M. Blin (Nicolas Marié), archiviste aveugle d’un enthousiasme impressionnant. À eux trois, ils se lancent dans une quête aussi spectaculaire qu’improbable.

« Adieu les cons » d’Albert Dupontel

Le film débute en force alors que Dupontel impose d’entrée de jeu son rythme effréné. La caméra bouge nerveusement et les dialogues s’enchaînent pour que rapidement nos deux protagonistes antithétiques, tous deux au bord du gouffre, puissent se retrouver par le plus pur des hasards. L’une souhaite par-dessus vivre mais elle ne le peut pas, alors que l’autre peut continuer à vivre mais ne le veut pas. Lorsque Suze met la main sur la vidéo du suicide raté de JB (dont le coup de fusil a plutôt atteint l’un de ses collègues de travail), elle lui fait du chantage pour qu’il l’aide à retrouver son fils. Retrouvant soudainement une raison à sa vie, JB lui vient en aide, sans toutefois savoir qu’elle n’en a plus pour longtemps à vivre.

La force d’Adieu les cons est d’allier habilement la comédie noire (souvent absurde) et le drame – qui aborde ici des thématiques aussi lourdes que l’Alzheimer, la mort, le suicide et la maternité. C’est ce brillant amalgame propre à Brazil, notamment, que Dupontel vient soutirer ici, en plus des nombreux clin d’œils aux décors et aux noms de certains personnages tels Kurtzman, Tuttle et Lint. À travers une poursuite entre les autorités et un trio improbable, le réalisateur tisse lentement mais sûrement sa toile cynique sur la France d’aujourd’hui et de demain.

« Adieu les cons » d’Albert Dupontel

Si le film parvient à nous accrocher dès les premiers instants, il nous laisse cependant tomber plus il s’enfonce dans son intrigue. Environ à mi-parcours, la succession d’événements, tous plus improbables les uns que les autres, fait en sorte qu’on adhère difficilement à ce qui nous est présenté. Ce n’est en effet pas parce que sa construction est absurde que le récit ne peut pas respecter les codes de son propre univers. Les dénouements surviennent comme par un jeu du hasard incontrôlable qui prédestine en quelque sorte le sort des protagonistes. Plus le film avance, plus les failles scénaristiques s’enchaînent, failles qu’on est tout de même prêt à accepter malgré tout puisque son intention est louable.

Mais ce scénario relativement décevant est probablement la seule faiblesse d’Adieu les cons, dont l’exécution est des plus réussies. La distribution, solide comme toujours dans un film de Dupontel, est excellente et constante tout du long, tout comme la réalisation, habile et créative, qui transforme un récit des plus banals en une expérience cinématographique intéressante. La musique et les nombreux décors expressionnistes viennent couronner le tout de brillante façon.

S’il peut assurément décevoir des cinéphiles plus aguerris, Adieu les cons demeure malgré tout un très bon film à mi-chemin entre la créativité des précédents projets de Dupontel et l’accessibilité d’une comédie dramatique grand public. Il ne parvient jamais vraiment à nous marquer profondément, mais il s’avère un très bon divertissement en ce début d’été qui s’annonce tumultueux en fait de sorties cinématographiques.

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