Avec son troisième long métrage, Mike Mills (Beginners, Thumbsucker) nous offre une vision autobiographique de Santa Barbara de la fin des années 1970. 20th Century Women, c’est une histoire féministe certes écrite par un homme, mais un homme qui a grandi entouré de femmes. C’est en fait le récit de la jeunesse de Mills, et comment trois femmes modernes l’ont éduqué pour devenir en quelque sorte un homme moderne. Cela peut sembler étrange de prime abord, mais le tout est bien amené et extrêmement touchant.

On suit principalement Jamie Fields (Lucas Jade Zumann), un jeune adolescent qui vit avec sa mère monoparentale Dorothea (la ravissante Annette Bening). Les deux ont une relation plutôt agréable où la mère, femme forte, veut s’assurer du bien de son enfant. Elle possède une maison qui loge deux chambreurs : Abbie (Greta Gerwig), une photographe en rémission d’un cancer de l’utérus, et William (Billy Crudup), un travailleur manuel qui baigne dans la spiritualité. Sans le savoir, elle loge également Julie (Elle Fanning), l’amie de Jamie, qui vient secrètement dormir chez lui. On voit tout de suite que Jamie n’a pas grandi dans la typique famille nucléaire.

Le film prend son envol lorsque Jamie subit un accident en jouant à un jeu avec ses amis. Cet élément déclencheur engendrera une certaine scission entre lui et sa mère, qui croit perdre le contrôle sur l’éducation de son fils. Elle sent qu’il a besoin d’une figure paternelle pour lui apprendre les choses qu’elle est incapable d’enseigner. Elle trouve cette figure auprès d’Abbie et de Julie, deux jeunes femmes modernes, et leur demande de bien vouloir veiller sur son fils et parfaire son développement. « Don’t you need a man to raise a man? No, I don’t think so. » Ensemble, elles lui en apprendront sur le sexe, le féminisme, l’affirmation de soi, mais surtout comment comprendre les femmes en tant qu’homme.

Écrire une histoire sur les femmes modernes en tant qu’homme peut ne pas sembler adéquat. Cela m’a mis mal à l’aise quelque peu, avant de comprendre que Mills, en puisant dans son passé, a tenté non pas d’être revendicateur envers les femmes fortes, mais plutôt de comprendre les femmes qui ont fait son éducation et comment celle-ci diffère d’une éducation faite au sein d’une famille « traditionnelle ». En ce sens, c’est moins un récit féministe qu’un hommage aux femmes qui ont fait de lui un homme moderne. Cela étant, ce sont les femmes qui sont au cœur du récit, et Bening, Gerwig et Fanning sont toutes trois excellentes.

C’est définitivement le scénario qui fait la force de 20th Century Women, et ce, même s’il ne s’y passe pas grand-chose. La construction du récit est surtout linéaire, mais l’historique des personnages est amenée de façon originale, soit par Jamie qui, en voix-off, nous raconte un peu l’enfance particulière de chacune des femmes. Sa mère, née au milieu des années 1920, s’est montrée assez novatrice pour l’époque en étant la première femme à travailler pour la Continental Can Company (qui a produit des avions lors de la Seconde Guerre mondiale) tout en élevant son enfant seule, enfant qu’elle a eu à 40 ans. Abbie est quant à elle née dans les années 1950 au sein d’une famille normale, mais entretient une haine envers sa mère qui, en raison de sa consommation de médicaments pour favoriser la fertilité, a en quelque sorte provoqué le cancer de l’utérus dont Abbie souffre. Julie, plutôt rebelle et émancipée, est enfin la fille d’une mère psychologue qui fait des thérapies de groupes auprès de jeunes adolescentes comme elle. Trois femmes fortes, issues de trois générations distinctes.

Si les trois livrent de très bonnes performances, c’est Bening, qui a pour une fois l’occasion de jouer un rôle de premier plan, qui vole la vedette. Elle est très sensible aux préoccupations de son fils tout en étant incapable de s’en approcher, de « vivre son monde ». Elle semble dépassée par les expériences de Jamie, tout en comprenant qu’il a besoin de vivre pour s’épanouir. En fait, elle tient un peu le fort d’une génération plus âgée de féministes, mais elle s’aperçoit rapidement qu’elle est loin de l’émancipation d’Abbie et de Julie, qui elles n’hésitent pas à parler de leurs émotions et raconter leurs expériences – sexuelles ou autres – au grand dam de Dorothea.

Le scénario habile fait partie d’un ensemble nostalgique qui représente Santa Barbara comme un endroit mélancholique. Mills parsème en effet son film de musique entraînante de la fin des années 1970, de la scène punk au rock alternatif. La bande sonore est excellente et recèle de petites perles des Talking Heads, Siouxsie and The Banshees, The Raincoats et Devo. La musique originale de Roger Neill, envoûtante, mais simpliste, vient également contribuer à cette ambiance nostalgique, tout comme la photographie très éclatante, saturée. Mills ajoute également des citations de romans qui, croit-on, l’ont marqué dans sa jeunesse. Judy Blume, M. Scott Peck et Zoe Moss ne sont que quelques auteurs qui sont mis de l’avant. La relation semi-amicale, semi-amoureuse entre Jamie et Julie est aussi assez attachante, même si elle présente tous les éléments d’un amour impossible. On a envie nous aussi de grandir en Californie à cette époque pourtant assez trouble sur les plans économique et social.

Il y a beaucoup de choses qui m’ont marqué dans cette belle histoire, et ce, malgré le fait que le film ne m’a pas fait autant d’effet que je l’aurais souhaité. Il a tous les éléments pour me plaire, et pourtant on dirait qu’il était à quelques éléments près de me faire grande impression. Quelques surprises dans le scénario auraient pu en élever davantage la qualité. C’est l’impression que le film m’a laissé à mon premier visionnement, et à mon second également. C’est toutefois avec la deuxième écoute que j’ai pu saisir la profondeur du script et le message principal qu’il tente de dégager. Malheureusement, peu de gens prendront la peine de revisionner le film.

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