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Très bon

Roald Dahl
1988, Jonathan Cape
232 p.

Très bon

Danny DeVito
1996
98 mins.

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Miss Honey : "Did either of you teach her?"
Mr Wormwood : "Teach her what?"
Miss Honey : "To read. To read books. Perhaps she was lying. Perhaps you have shelves full of books all over the house. I wouldn't know. Perhaps you are both great readers."
Mr Wormwood : "Of course we read. I read the Autocar and the Motor from cover to cover every week."

Les adaptations cinématographiques de romans de Roald Dahl sont nombreuses. Probablement connaissez-vous les Gremlins, Charlie et la chocolaterie ou BFG, entre autres. En 1988, l'auteur britannique imagine l'histoire incroyable de Matilda, cette jeune enfant prodige qui est capable d'épeler de longs mots, de lire et comprendre presque tous les livres et de calculer de grandes sommes dans sa tête. À ne pas utiliser son cerveau au maximum de sa capacité dans une classe d'enfants de son âge, car elle est bien plus avancée qu'ils ne le sont, Matilda développe des dons de télékinésie, autre manifestation de sa grande intelligence. Ces dons lui seront utiles pour aider sa professeure, Miss Honey, à retrouver la vie confortable qu'elle a perdue quand son père est décédé dans des circonstances étranges et qu'elle a dû grandir avec son horrible tante, devenue par la suite son employeur, Agatha Trunchbull. Entre des parents qui ne supportent pas ses ambitions et une directrice d'école qui prend plaisir à torturer les enfants de son institution, Matilda trouvera du réconfort auprès de Miss Honey et des autres enfants de sa classe.

Il y a peu de différences entre le matériel d'origine et le film de 1996. On notera par exemple l'aspect physique des parents de Matilda, dont le père est élancé et la mère plus grasse, alors que c'est plutôt l'inverse dans le film. Pour l'essentiel, la plupart des événements du roman se retrouvent exactement de la même façon dans le film, mais on en comptera moins dans le texte. Ainsi, la scène où la télévision explose a été ajoutée, de la même façon que celle où la Trunchbull se fait avoir par les enfants à la fin a été considérablement allongée. Par ailleurs, le roman n'insiste pas sur la maison du père de Miss Honey. Matilda ne s'y rend jamais pour faire peur à la directrice, et il n'y a aucun passage du livre dans lequel la professeure et l'enfant y entrent et se font presque surprendre. Tout le reste, cependant, est à peu près pareil entre les médiums. Le chapeau plein de colle, la craie qui bouge sur le tableau, le peroxyde qui teint les cheveux en blond... L'une des principales différences est toutefois comment on traite l'amour de Matilda pour la littérature.

Matilda : "Mr Hemingway says a lot of things I don't understand. Especially about men and women. But I loved it all the same. The way he tells it I feel I am right there on the spot watching it all happen."
"A fine writer will always make you feel that", Mrs. Phelps said.

 

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Si le film nous montre la jeune Matilda et sa brouette pleine de livres considérés comme des classiques, le roman prend le temps de bien nous expliquer à quel point la littérature est un outil précieux pour le développement de l'esprit. On sent ici que Dahl tente de faire passer des messages importants aux enfants, et il le fait particulièrement bien, sans avoir besoin d'entrer dans les détails des livres que Matilda dévore. Le tout est rendu de façon plutôt poétique par l'auteur, quand il nous dit par exemple "She travelled all over the world while sitting in her little room in an English village".

"English village", car l'auteur étant anglais, le roman prend place près de Londres. Dans le film, tout a été transposé aux États-Unis, mais il y a si peu de manifestations de ce nouvel environnement qu'on passe par-dessus rapidement. Miss Honey doit payer cinquante dollars par mois pour sa maison au lieu des cinquante livres mentionnées dans le roman, et c'est à peu près tout!

L'aventure, dans le roman, se déroule sur environ deux semaines dès le moment où Matilda entre à l'école. Dans le film, on a cru bon ajouter plusieurs scènes pour contextualiser le tout, et ces ajouts sont tout à fait pertinents. On note par exemple que la petite fille fait exploser la télévision de ses parents après que ceux-ci la forcent à regarder une émission stupide, nous donnant à voir ainsi la première manifestation de ses pouvoirs. Dans la même veine, la Matilda du roman s'exerce pendant une semaine à faire bouger un cigare dans sa chambre en préparation à son plan de faire fuir la Trunchbull, car elle sait déjà qu'elle fera en sorte que son frère décédé (le père de Miss Honey, Magnus) lui écrive sur le tableau de la classe depuis l'au-delà, et qu'un cigare doit avoir environ le même poids qu'une craie. Dans le roman, la jeune fille a l'idée particulièrement rapidement après que Miss Honey lui parle du drame de son enfance. Dans le film, on a ajouté une sublime scène où Matilda s'exerce avec ses céréales et des jetons et cartes, jusqu'à ce que tout danse dans le salon avec la fillette, sur l'air de Send Me On My Way. À ce moment-là, Matilda n'a pas encore eu l'idée d'effrayer la Trunchbull, et cette scène marque un passage explicite entre les deux parties du film. Le plan qu'elle mettra en œuvre dans la classe sera précédé d'une soirée chez la directrice, où l'enfant fera bouger le tableau de Magnus, avancera l'heure pour faire sonner l'horloge à répétition et coupera l'électricité, entre autres.

Puis vient l'ultime scène dans la classe. Dans le film, Matilda demande à sa professeure les prénoms de son père et de sa tante, quelques minutes avant que Trunchbull ne débarque pour trouver qui s'est déplacé à sa résidence la veille. Dans le roman, ce moment survient avant que la jeune fille commence à s'exercer. Et si le texte est moins aventureux quant à la réaction de l'horrible femme ("Miss Trunchbull has fallen down! Miss Trunchbull is on the floor! This was the most sensationnal bit of news of all and the entire class jumped out of their seats to have a really good look"), le film nous en donne beaucoup plus. La directrice se fera chasser par les élèves, se faisant lancer des sandwichs, après avoir tourné sur le globe terrestre de la classe et être attaquée par des effaces à tableau pleines de craie.

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Après ces folles aventures, le roman se termine sur une touchante scène où Miss Honey adopte l'enfant sans remplir de paperasse, ce à quoi le film a remédié en faisant en sorte que Matilda ait des papiers d'adoption dans son sac à dos, résultat d'une de ses escapades à la bibliothèque. On ajoute aussi que la Miss Honey du roman n'est jamais devenue la nouvelle directrice de l'école, mais a eu une promotion, et que Matilda a réussi à rejoindre les enfants de sixième année pour être mise au défi intellectuellement. Le film apporte quelques nuances à ce dénouement. Miss Honey est maintenant à la tête de l'école, et plus aucun enfant ne veut quitter l'institution. L'un ne fonctionne pas mieux que l'autre, le but étant de démontrer que la nouvelle vie des protagonistes est nettement différente de l'ancienne.

Si le film nous permet d'assister à l'histoire de Matilda, le roman compte plusieurs illustrations de Quentin Blake, fidèle collaborateur de Dahl. Celles-ci sont tout à fait charmantes et rappelleront les aventures de Tom-Tom et Nana, par leurs traits indéfinis et le physique exagéré des personnages. À savoir laquelle des versions est la plus accomplie, la réponse sera sans doute personnelle à chaque lecteur et spectateur. Les deux médiums ont un narrateur, plus humoristique dans le roman et empathique dans le film. Je suis d'avis que le film transmet mieux la magie du monde de Matilda, et que le roman réussit davantage à présenter ce que ça signifie que d'avoir un esprit vif. Dans les deux cas, le résultat est convaincant.

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