Cet article n’a malheureusement pas pour but de montrer comment vous pouvez aller au Sundance Film Festival. Du moins, pas tout à fait. Je veux plutôt parler de ma propre expérience de couverture de festival, avec l’accréditation de presse. Il existe plusieurs articles sur les meilleures façons de profiter de l’un de ces plus gros festivals de cinéma indépendant en tant que simple spectateur, puisque, contrairement à d’autres festivals de renom, Sundance permet aux particuliers d’assister à de nombreux visionnements, moyennant toutefois une coquette somme. Cet article s’adresse donc à ceux et celles qui s’intéressent au processus de couverture médiatique du plus gros festival de cinéma indépendant des États-Unis, ou tout simplement à qui veut bien connaître mon parcours.

L’accréditation presse

Lorsque j’ai entamé les démarches pour demander une accréditation presse, je n’avais aucune attente particulière. Je cherchais un festival d’envergure après mon expérience à Cannes, et j’ai pensé à Sundance, qui a lieu assez tôt dans l’année (23 janvier au 2 février 2020). Bénéficiant d’un statut de « journaliste » de CFAK et du Collectif (respectivement la radio et le journal étudiant de l’Université de Sherbrooke), je me suis dit que c’était l’occasion rêvée de repousser les limites de ce statut. J’ai donc entamé les démarches auprès du festival.

Quelle ne fut pas ma surprise de constater à quel point le processus est relativement facile. Toute personne qui fait partie d’un quelconque média (radio ou journal communautaire, ou même un blogue) peut appliquer pour cette accréditation. C’est toutefois plus facile si on fait partie d’un média où il y a un directeur général (ou directeur de la programmation), puisqu’il faut principalement soumettre une assignment letter (mandat de couverture), dans laquelle le directeur fait part des intentions de couverture du festival par le journaliste présent. C’est la partie la plus « complexe » du processus, d’autant plus que la lettre doit être rédigée en anglais.

Pour ma part, cela s’est très bien passé avec le directeur général de la station. Pour les blogueurs, il existe toujours l’option de soumettre un projet de couverture auprès d’un quelconque média, en échange d’un tel mandat. Il se peut, si votre blogue est assez populaire, que le festival vous octroie une accréditation, moyennant quelques statistiques de fréquentation de votre site. Reste que la façon la plus simple est de recevoir un mandat d’un média reconnu.

Le reste du formulaire comporte des questions assez simples (quelle programmation du festival souhaitez-vous couvrir?), qu’il ne vous prendra que quelques minutes à remplir. Le deuxième élément essentiel est toutefois la soumission d’un article, préférablement relié à la couverture du festival Sundance ou d’un événement similaire. Je rédige des articles depuis un bon moment pour Le Collectif, mais je n’avais pas vraiment d’articles de couverture de festivals à mon actif. J’ai donc triché un peu, et soumis ma critique du film Parasite, diffusé à Cannes en 2019. Deuxième bémol : cet article doit être en anglais, même si la couverture du festival que l’on compte faire se fera en français. J’ai donc traduit ma critique, que j’ai soumise en fichier Word (ils ne demandent pas à voir l’article d’origine). Puis, j’ai soumis le formulaire, dans l’attente d’une réponse positive.

Accréditation acceptée : réservations, programmation, tonnes de courriels

Une fois l’accréditation acceptée, un courriel officiel nous indique ce à quoi nous avons droit. Essentiellement, c’est un all-access d’à peu près tous les événements et visionnements du festival. Lorsque l’on reçoit une réponse positive, la programmation du festival n’est pas encore sortie, alors on ne sait pas trop à quoi s’attendre. Alors qu’elle est annoncée en début décembre, l’horaire des visionnements vient plutôt début janvier, alors on n’a que très peu de temps pour faire des choix éclairés. Et des choix, il faudra en faire! Pour chaque bloc de visionnement, entre 3 et 5 films sont projetés simultanément. Il faut donc porter attention à la programmation qui vous intéresse le plus. Elle se divise en plusieurs groupes : US Dramatic Competition, US Documentary Competition, World Dramatic Competition, World Documentary Competition, Short Program, NEXT (films novateurs), Dramatic Premiere (des films hors-compétition, mais très attendus et regroupant bien souvent de grosses productions), Documentary Premiere, Midnight Movie (films d’horreur/slashers) et Kids. Plusieurs compétitions, beaucoup de films, très peu de temps…

Les visionnements de presse sont concentrés dans les six premiers jours du festival. Heureusement, l’accréditation donne droit à 10 entrées gratuites pour les projections de notre choix, à l’emplacement de notre choix (puisque le festival projette ses films dans plus d’une dizaine de cinémas à Park City et à Salt Lake City). C’est donc le moment de compléter votre horaire avec des films qui vous tiennent à cœur. C’est aussi le moment d’expérimenter d’autres salles de cinéma, puisque les visionnements de presse se font, pour la plupart, tous au même cinéma (Holiday Village). Les salles les plus réputées sont The Egyptian et Eccles Theater. Puis, c’est là que ça se complique…

Vous aurez rapidement à faire le choix entre vous loger à Park City, le cœur du festival et haut lieu de villégiature américain (et donc avec des chambres aux prix exorbitants), et Salt Lake City, à près d’une heure de transport l’une de l’autre, mais aux prix nettement plus raisonnables. Un lit dans un dortoir d’auberge de jeunesse à Park City peut s’élever à 180$ la nuit. Les Airbnb sont souvent plus coûteux encore, et on oublie les chambres d’hôtel. Pour dix jours, c’est un pensez-y bien! Étant sur un budget strict, j’ai sacrifié la proximité aux dépens d’un prix raisonnable.

Ma chambre de Salt Lake City, pas très loin du centre-ville, s’élève à une trentaine de dollars par nuit. Je devrai cependant faire le chemin entre les deux villes en autobus, au coût respectable de 4.50$ l’aller, mais aux horaires contraignants. Je devrai à chaque jour quitter Park City vers 19h30, alors que les projections continuent jusqu’à minuit. Je sacrifie donc un à deux blocs de visionnement de presse, que j’ai (heureusement) compensé avec les 10 billets gratuits, tous pris pour des films projetés à Salt Lake City après 21h. C’est un sacrifice que je suis prêt à faire, malgré qu’outre les visionnements, j’ai fait une croix sur la majorité des événements et partys en tout genre auxquels je suis invité.

Il y a la possibilité de louer une voiture et de voyager, ce qui peut être relativement abordable, mais le stationnement est pratiquement impossible à Park City, compliquant les choses. Vous pouvez rejoindre des groupes Facebook de gens qui font du covoiturage entre les deux villes lors du festival. L’aller se vend entre 10 et 30$, une option intéressante si vous croisez des gens qui ont le même horaire que vous. Je compte peut-être utiliser ce moyen à l’occasion, mais seulement pour des événements qui me tiennent vraiment à cœur. Sinon, il est possible d’utiliser Uber ou Lyft (partenaire officiel, offrant des rabais considérables), mais sachez que l’aller se vend autour de 80$, dépendamment de l’achalandage. En covoiturage, ça peut être une option. Seul, oubliez ça.

Une fois la programmation sortie, c’est le moment où vous regretterez de ne pas avoir d’attaché de presse. Tous les studios vous enverront un courriel pour vous demander d’assister à leurs films, leurs événements, leurs tables-rondes, leurs tapis rouges… Alors que les premiers jours ça peut être flatteur d’être invité à un party de HBO ou du New York Times, après 2 semaines vous n’y porterez même plus attention tellement la quantité de courriels est phénoménale. Au cours de cette période, j’ai eu droit à près de 300 courriels, plusieurs intéressants, mais la grande majorité inutile, considérant la couverture que j’entends faire du festival. En fait, c’est pratiquement plus démoralisant de constater tous les événements que je vais manquer plutôt que ceux auxquels je vais assister. Je manquerai par exemple un dîner-causerie avec Ron Howard au profit du lancement de trois courts-métrages de l’ONF, en présence de l’équipe des films. First World Problem, je sais, mais c’est tout de même triste. On se désole que le festival ne s’étende pas sur plus de jours, permettant ainsi que tout le monde puisse participer aux événements courus. Ce sera pour une prochaine année, alors!

Un dernier petit mot sur les billets d’avion, qui sont heureusement abordables. Westjet fait souvent la liaison, sous les 400$ et avec des escales raisonnables.

Une programmation chargée

Je le répète, c’est une programmation très chargée! Lors de son dévoilement, j’ai identifié quelques films qui me semblaient intéressants. Ce fut très dur de faire des choix une fois l’horaire des visionnements dévoilé. J’ai décidé de prioriser les films de la compétition officielle et quelques premières mondiales. Aussi, je me suis réservé quelques moments pour assister à un événement du New York Times, de Warner et de l’ONF. Je suis plus un mordu des visionnements exclusifs que des événements mondains, malheureusement. Je me suis réservé quelques moments pour passer des gens en entrevue, bien que je ne sache pas qui demander. Il y a plusieurs grosses pointures (oui, j’ai demandé Taylor Swift en entrevue, bien que je ne m’attends pas du tout à recevoir de réponse positive), mais j’aime bien avoir vu leurs films avant de les interviewer, puisque je déteste les questions ultra-générales du type « Parlez-nous de votre nouveau film », comme vous l’avez peut-être vu dans les entrevues que nous avons menées Yanick et moi par le passé.

Au final, je me retrouve à aller voir au minimum 15 films, surtout issus de la US Dramatic Competition, de la US Documentary Competition et des Premieres. Cependant, il existe un certain flou concernant les 4 derniers jours du festival. Les programmations de presses sont identifiées comme To Be Announced, et ce sont habituellement les films qui remportent des prix qui sont reprojetés. À suivre…

Une expérience qui s’annonce géniale

L’atmosphère de Sundance a l’air en pleine effervescence. Au final, ce sont des gens de l’industrie du cinéma indépendant qui y sont en grande majorité, mais qui ont un peu moins la chance de briller derrière les grosses stars hollywoodiennes qui foulent les tapis rouges. Jude Law, Ron Howard, Evan Rachel Wood, Ethan Hawke, Taylor Swift, Anne Hathaway et même Hillary Clinton seront du rendez-vous. Ils sauront faire parler d’eux, mais il faut remettre le cinéma indépendant au centre de toute cette frénésie. Je tenterai de vous donner un compte rendu de mes expériences, mes rencontres et mes visionnements chaque jour. Je ferai également quelques capsules radio pour notre podcast diffusé sur CFAK, et quelques articles pour le journal Le Collectif. Restez à l’affût!

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