Les années 1970 et 1980 sont des décennies troubles au Royaume-Uni. L’une des raisons est les problèmes entre eux et l’Irlande, communément appelés les Troubles. Cette quasi-guerre civile se répercute jusqu’au cinéma, alors que John Mackenzie porte à l’écran The Long Good Friday, tiré du scénario de Barrie Keeffe. Surtout connu pour avoir propulsé la carrière de Bob Hoskins à l’international, le film s’apprécie toutefois aujourd’hui comme un regard contemporain sur ce conflit et sur la relance économique que tente d’amorcer le Royaume-Uni au début des années 1980. Plongeon au cœur des berges de la Tamise!

Le film s’ouvre sur une très belle scène où l’on retrouve Colin (Paul Freeman) qui livre une mallette remplie d’argent (mais en prélevant une partie de la somme auparavant) dans une maison de campagne près de Belfast. Après avoir réalisé que de l’argent manque, les criminels sont sur le point d’avertir leurs patrons, mais sont froidement assassinés avant de pouvoir le faire. Ce coup mystérieux sera l’élément qui dirigera le récit tout du long. En effet, de retour à Londres, le criminel notoire Harold Shand (un Hoskins authentique) revient dans la métropole et s’apprête à recevoir un groupe de mafieux américains, mené par Charlie (Eddie Constantine), désireux d’investir dans le projet immobilier de Shand, visant à revitaliser les berges de la Tamise en vue des Jeux Olympiques de 1988 (qui ne seront finalement pas présentés à Londres!) Shand tente de devenir légitime et de se détourner du crime organisé pour se lancer dans l’immobilier. Il a tous les éléments (et surtout l’argent) pour réussir, mais il se butte à une série de bombes et d’attentats qui semblent viser son organisation.

D’abord, c’est son chauffeur qui, allant reconduire la mère de Shand à l’église pour la cérémonie de Pâques, meurt dans une explosion de voiture. Puis, c’est Colin, qui se fait poignarder à mort dans un bain public (par nul autre que Pierce Brosnan, qui déjà avait des airs de James Bond!) Enfin, c’est à son casino, où une bombe défectueuse est retrouvée, puis une détonation retentit à son restaurant favori où il se dirigeait avec Charlie. Il doit donc essayer de comprendre qui l’attaque et pourquoi, le tout sans trop effrayer les investisseurs américains. On assiste donc à son « enquête » qui va beaucoup plus loin qu’une vendetta.

The Long Good Friday est un film typiquement londonien. Le récit se déroule dans les bas-fonds de la ville, que ce soit dans le quartier portuaire, dans une boucherie (qui n’est pas sans rappeler certaines scènes marquantes d’autres films de mafieux), ou encore dans des derbys de démolition. Les accents y sont forts. Hoskins et Hellen Mirren, qui interprète sa femme Victoria, sont pratiquement incompréhensibles, tout comme la plupart de ses hommes de main, et Charlie a un étrange accent américain (Constantine ne parait pas si bien dans ce rôle, en effet). Le visuel est gris, peu lustré, sale, bref, on est vraiment plongé dans le Londres des années 1980, un peu comme dans Sid & Nancy. Le point fort de l’ambiance est cependant la musique funky de Francis Monkman, qui colle très bien au film et à la fin des années 1970.

Le film est loin d’être mauvais. Pourtant, il n’a pas su m’accrocher suffisamment pour que j’en apprécie ses qualités. Son scénario a été maintes fois salué, mais j’ai eu de la difficulté à en capter toutes les subtilités. C’est un film qui, je crois, s’appréciait mieux à sa sortie qu’aujourd’hui. Hoskins et Mirren sont tous deux excellents, leurs performances sont tout à fait impeccables. C’est parce qu’il ne se passe pas grand-chose que le film, strictement sur le plan du divertissement, fait défaut. Les péripéties sont parfois difficiles à suivre, et, si on a droit à quelques scènes assez marquantes (les criminels suspendus dans une boucherie et le dernier plan du film, notamment), le reste tombe à plat. Aux États-Unis, à sa sortie, le film ajoutait avant la projection une liste de définitions du vocabulaire typiquement londonien. Je crois, en rétrospective, que ça aurait été utile pour mes oreilles peu habituées aux accents anglais prononcés. Une version sous-titrée m’aurait également grandement aidé dans la compréhension du récit, mais n’aurait pas beaucoup fait pencher la balance, je crois.

The Long Good Friday peut s’avérer une bonne alternative pour les amateurs de films de gangsters qui ont déjà épuisé la filmographie de Coppola, Scorsese et De Palma. Je pourrais également le conseiller à ceux et celles qui aiment s’immerger dans l’ambiance d’un film contemporain des années 1970 et 1980. Toutefois, je crois que plusieurs seront déçus du peu que le film a à amener au genre de récits criminels et, si la performance de Hoskins vaut le détour, on peut très bien l’observer dans plusieurs autres de ses films à succès.

Fait partie de la Collection Criterion (#26).

1 commentaire

  1. La Collection Criterion (#21-30) – Ciné-Histoire sur juillet 24, 2020 à 12:55 am

    […] The Long Good Friday (1980) de John […]

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