Fred Astaire et Bing Crosby font assurément partie de ces artistes ayant marqué non pas seulement leur propre génération mais également toutes les suivantes. Rares sont ceux qui ne connaissent pas aujourd’hui le nom du fameux danseur de claquettes, connu entre autres pour ses nombreuses apparitions à l’écran avec Ginger Rogers. De la même manière, tous savent que c’est Crosby qui a propulsé la chanson White Christmas au sommet des meilleurs singles en 1941, avant qu’elle ne détienne le record du plus grand nombre de ventes de tous les temps. Les deux hommes ont donc révolutionné leur art respectif, tout en participant à nombre de films avec les artistes phares de leur temps. Mettant leurs talents à l’avant, Holiday Inn paraît en 1942 avec la volonté de transporter le public dans les dessous du show-business, de la production d’un spectacle à l’espoir d’être découvert par Hollywood pour y faire carrière.

Jim (Crosby) et Ted (Astaire) sont partenaires dans un numéro de chant et danse avec Lila (Virginia Dale), qui pratique les deux arts. Après une énième représentation, Lila et Ted annoncent à Jim qu’ils le quittent pour aller faire des spectacles seulement les deux ensemble. Déçu et vivant assurément une peine d’amour puisqu’il perd à la fois son meilleur ami et la femme qui fait batte son coeur, Ted part s’installer dans le Connecticut. Dans l’année qui suit, il convertit une fermette en hôtel qui deviendra rapidement renommé pour ses réceptions lors des jours fériés. Au milieu d’une tournée, Lila abandonne Ted à son tour et celui-ci débarque à l’hôtel, où il danse ivre avec la fiancée de Jim, en qui il voit sa prochaine partenaire. Jim tentera par tous les moyens d’empêcher Ted de retrouver cette compagne qu’il peine à identifier le lendemain matin, mais la venue de producteurs hollywoodiens à l’hôtel pourrait venir changer la donne.

À mi-chemin entre film et spectacle, Holiday Inn est un véritable bonbon scénaristique et visuel qui fera plaisir à n’importe quel spectateur. Les costumes et les mises en scène des numéros thématiques, de l’anniversaire d’Abraham Lincoln à l’Action de Grâce, sont variés, inventifs tout en étant simples et, avouons-le, nettement réussis (à l’exception peut-être de cette infâme chorégraphie remplie de blackfaces). L’hôtel est lui aussi tout à fait charmant, que ce soit par ses nombreuses fenêtres, son vaste hall d’entrée ou ses multiples escaliers qui seront bien utiles pour les personnages quand ils joueront au chat et à la souris.

Rapidement, le film nous transporte dans une dynamique malsaine entre les deux hommes, qui entretiennent une indéniable rivalité au nom de l’amour et de l’art. Alors qu’ils jouent sur leurs différences devant public, on comprend facilement que ce qui se passe quand le rideau tombe est bien semblable et, de prime abord, ce sont les pas de danse qui ont raison du cœur de Lila. Jim voit donc en l’hôtel une deuxième chance de réussir, qui se traduit par les numéros qu’il produit lui-même et qui le mettent à l’avant. Ce nouvel espoir est grandement alimenté par la venue de Linda (Marjorie Reynolds) dans son équipe artistique, pour qui il aura un coup de foudre, ce qu’elle lui rendra bien. Si la trahison du début ne nous fera pas grand-chose, on souhaitera ardemment que Ted ne réussisse pas à trouver Linda lorsqu’il a dégrisé, car celui-ci n’a aucune morale tout du long, ne pensant jamais vraiment à l’effet que son envie de l’avoir comme partenaire peut faire à son ami, alors que Jim peine à bien exprimer ses émotions à sa nouvelle compagne. Dès lors, on se retrouve entre les deux, à encourager les mensonges et les jeux de déguisements, témoins mais aussi complices de cette relation qui tarde à s’installer, Linda se retrouvant elle aussi entre les deux hommes, ne sachant pas qui choisir, malgré qu’elle soit fiancée à l’un d’eux.

On pourra donc se frustrer devant l’hésitation des femmes ainsi que l’appel de la célébrité au détriment de l’amitié et de l’amour. On se consolera cependant avec les numéros de danse et de chant, arts maîtrisés à tous les niveaux ici, rendus de façon juste et ensorcelante par Astaire et Crosby. L’interprétation de White Christmas au piano nous emplira de chaleur, la première fois lors de la courtise, et la deuxième fois lors du moment charnière du récit, qui pourra même faire naître quelques larmes. Certaines scènes chantées nous agaceront plus que d’autres, la première étant celle de la fête d’Abraham Lincoln, où on a cru bon inviter les enfants de la bonne à participer, malgré leur très jeune âge, leur émotion fade et leurs voix grinçantes. On oubliera rapidement ces quelques ratés et notre amertume quant au développement du récit devant l’humour avec lequel les situations sont gérées, d’une part, et la neige qui tombe doucement sur l’hôtel d’autre part.

Bien que Holiday Inn ne se concentre pas à proprement dit sur Noël (l’action se dispersant plutôt à travers les fériés), les scènes d’hiver occupent une grande part du récit et leur magie se transposera facilement dans l’entièreté du film. Il ne faudra pas s’attendre à un sans faute, le scénario étant frustrant et les personnages n’ayant aucune morale, mais on se laissera transporter avec plaisir dans les situations présentées, souhaitant le meilleur tout en craignant le pire et, au final, obtenant un dénouement parfait quoique prévisible. L’idée est charmante, l’exécution est convaincante et le rendu est tout simplement délicieux. Holiday Inn, pour tout ce qu’il représente, demeure une option de choix pour s’initier à la voix enjôleuse de Crosby et aux pas de danse entraînants d’Astaire.

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  1. […] Holiday Inn (1942) de Mark Sandrich […]

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