Nous avons tous nos peurs irrationnelles. Certains ont peur des hauteurs, d’autres des araignées. Pour ma part, c’est de la plongée sous-marine. Il y a quelque chose dans les profondeurs maritimes que je trouve terrifiant. Peut-être est-ce une peur de l’inconnu, ou l’angoissante noirceur qui y règne. Dave Not Coming Back ne semble donc pas le documentaire de prédilection pour les gens qui partagent ma phobie. Toutefois, bien plus qu’un film sur la plongée sous-marine, c’est également un touchant récit humain héroïque où tous se promettent de ne pas jouer les héros. Ce qui devait s’avérer une plongée à une profondeur record se transforme toutefois en quelque chose de complètement différent.

Le récit suit deux amis, Don et Dave, plongeurs de haut niveau. En 2004, Dave comptait battre un record du monde en plongeant dans la grotte mythique de Boesmansgat, en Afrique du Sud. En atteignant le fond de la grotte à 283 mètres, il trouve le corps de Deon Dreyer, plongeur mort depuis dix ans. Tout de suite après avoir refait surface, les deux amis décident de plonger à nouveau pour récupérer le corps, et le ramener auprès de sa famille. Avec un titre comme celui du film, on peut se douter que la seconde expédition ne se déroulera pas comme prévue. Pour s’assurer de bien effectuer la manœuvre, Dave et Don auront besoin de 6 plongeurs supplémentaires, qui permettront de former une chaîne pour remonter le corps à la surface en toute « sécurité ». Dave est bien évidemment celui qui ira au fond de la grotte, suivi de près par Don, instructeur chevronné et véritable chef d’orchestre de l’opération. Il s’entourera d’amis et de professionnels qui pourront mener à bien la mission, moyennant que tout se passe bien, évidemment.

Pour les passionnés de ce sport, Dave Not Coming Back est un criant témoignage des dangers qui sont liés à la plongée. Le film nous explique très bien la problématique entourant la décompression, et les différents paliers que doivent respecter les plongeurs en eaux profondes pour s’assurer que l’oxygène s’adapte à la différence de pression. Chaque minute passée en eau profonde peut provoquer une décompression de plusieurs heures. La décompression (the bends en anglais) est en effet le principal danger auquel s’exposent les plongeurs (outre le bris d’équipement). On nous explique ce phénomène, puisqu’il foudroiera Don à mi-parcours, au grand dam de son équipe qui ne peut que l’observer et espérer pour le mieux.

Pour les néophytes, cependant, il ne s’agit pas d’une lettre d’amour envers un sport extrême. Si vous n’avez jamais fait de plongée, ce film pourrait bien vous décourager d’en faire. Toutefois, qu’on aime ou non ce sport, le documentaire demeure tout de même pertinent, puisqu’en son centre gravite une simple histoire de deuil inachevé. Deon Dreyer, un jeune homme de 20 ans, s’est noyé dans cette grotte au milieu des années 1990. Dave croit donc bien faire en repêchant son corps pour le remettre à sa famille. Pourtant, les Dreyer, s’ils ne s’opposeront pas à la manœuvre, ne tiennent pas absolument à ce que Dave risque sa vie et celle de nombreux autres plongeurs pour rapatrier le corps de leur fils. Alors, pourquoi faire tout ça? « For the hell of it » de dire Dave à un point du film. Comme tous les amateurs de sports extrêmes (on peut penser au grimpeur Alex Honnold, sujet du documentaire Free Solo), il ne semble pas pouvoir s’empêcher de dépasser ses limites et prouver, au moins à lui-même, qu’il peut accomplir cette mission. On ne s’étonne donc pas quand des sportifs de ce niveau sont retrouvés morts en tentant un nouvel exploit, bien qu’on puisse s’en désoler.

Mais qu’est-il arrivé à Dave? En fait, on se garde bien de nous le cacher jusqu’aux derniers instants du film, dans une scène troublante mais dont on ne peut pourtant détourner le regard. Gardons un peu de mystère pour le bien de votre expérience, mais sachez au moins que vous aurez la triste réponse au questionnement qui vous tiraillera tout du long. Le réalisateur fait se dérouler son récit de façon déconstruite, mais somme toute chronologique, qui permet de bien cerner tous les enjeux entourant l’objectif. Malak s’intéresse à la fois aux aspects techniques et au côté humain, sans juger les intentions des intervenants. Ceux-ci ont tous été profondément troublés par ce qui s’est déroulé, particulièrement Don, qui peine à cacher sa tristesse face à la mort de Dave. Toutefois, on aura souvent l’impression de se perdre dans les termes propres à la plongée, ce qui pourrait nuire en partie à l’appréciation qu’on aura du film. Malak est toutefois très habile avec la caméra, offrant en alternance de superbes points de vue aériens et une reconstitution sous-marine fidèle. Combinés aux images d’archives de l’expédition d’origine, on construit ainsi un univers claustrophobique angoissant mais sublime.

Dave Not Coming Back ne m’a évidemment pas redonné confiance en la plongée sous-marine. Si telle chose est possible, il a même réaffirmé mes craintes, et en a possiblement créé de nouvelles. Cela témoigne de son efficacité, mais également d’un rapport que j’entretiens au préalable avec la thématique. Quoi qu’il en soit, vous vous surprendrez à plonger à fond dans ce récit poignant de survie et de risques. La dernière plongée de Dave sera sa plus pertinente, sa plus importante même. Elle sera également sa plus dangereuse, et assurément sa plus discutable. Là où cette expédition sert à compléter le deuil des Dreyer, le film permet à Don de finalement faire le deuil de son ami.

Les images sont une courtoisie de Fragments Distribution.

3 commentaires

  1. Catherine sur novembre 13, 2020 à 3:05 am

    Le sujet du documentaire de Free Solo est Alex Honnold, et non le nom avec lequel vous l’avez rebaptisé. Sans vouloir paraître désagréable, j’ai beaucoup aimé votre critique, mais suis un peu triste que vous preniez la peine de mentionner un autre grand sportif en sabotant son nom.

    • Alexandre Leclerc sur novembre 13, 2020 à 2:11 pm

      Bonjour Catherine,

      Merci de nous rappeler à l’ordre! Nous avons apporté les modifications nécessaires, toutes nos excuses. Cela enlève effectivment de la crédibilité au propos. Soyez assurée que nous ne répèterons plus la même erreur. Merci de nous lire et bonne lecture subséquente!

  2. Gillet L. sur août 4, 2022 à 7:20 pm

    Alex Honnold est un grimpeur extrêmement réaliste et réfléchi. J’ai vu le reportage sur El Capitan rien n’est laissé au hasard. Il lime tel rocher et choisi son parcours au fur et à mesure en étant attaché bien sûr.
    Pour le grand jour malgré toutes ses précautions l’accident peut arriver très vite mais son calme et son sang-froid lui permettront de vaincre El Capitan en solo et sans être attaché.
    Un très grand sportif à mes yeux.

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