Federico Fellini est l’un des plus grands cinéastes italiens. Si on le connait surtout pour des grands classiques comme 8 ½, La dolce vita et Le notti di Cabiria, Amarcord mérite de figurer aux côtés de ses meilleurs films. Considéré par plusieurs comme son dernier bon film, Fellini ajoute une touche d’élément personnel en campant le récit dans un village qui s’apparente étrangement à celui qui l’a vu grandir. Comme plusieurs grands réalisateurs qui feront une œuvre semi-autobiographique, il se défendra à plusieurs reprises que, si certains éléments ressemblent en effet à des moments de sa vie, le récit demeure en majorité fictif (François Truffaut mentionne à peu près la même chose lorsqu’il parle des 400 coups). Le titre signifie de plus « Je me souviens » dans le dialecte de la ville natale de Fellini, de quoi ajouter au débat. Quoi qu’il en soit, Amarcord est un récit complètement éclaté qui nous plonge au cœur de l’Italie des années 1930.

Le film se présente comme une série de vignettes sur les différents habitants du petit village de Borgo San Giuliano dans le nord de l’Italie. On nous présente plusieurs courtes histoires avec comme trame de fond la montée du fascisme. Le personnage principal du récit (la soi-disant personnification de Fellini) est Titta (Bruno Zanin), un adolescent, mais on y suit également sa famille, ses amis, ses professeurs, etc. L’histoire se déroule sur une période d’un an, dont chaque saison est assez bien divisée et possède son élément propre. On ouvre sur la fête du printemps, une tradition qui semble ancrée auprès des citoyens, rassemblant les habitants autour d’un feu de joie. On fait notamment la connaissance entre autres de Gradisca (Magali Noël en femme fatale) et de La Volpina (Josiane Tanzilli, incarnant une prostituée). Le lendemain de l’événement, on retrouve Titta à l’école, observant du même coup des interactions aussi étranges qu’inusitées. En fait, l’absurde est de mise lorsqu’on côtoie des personnages adultes. Professeurs, ecclésiastes, politiciens et parents sont tous dépeints de façon absurde, alors que les enfants agissent de façon normale. C’est un message fort de Fellini, qui s’attaque aux institutions italiennes et qui représente le décalage qu’il semble percevoir entre les enfants et les adultes.

Le récit se poursuit avec plusieurs vignettes (qui seraient beaucoup trop longues à décrire), mais qui forment une mosaïque éclatée et attachante. Ce qui frappe en visionnant Amarcord, c’est à quel point le récit est décousu, passant parfois du récit onirique au drame conjugal, tout en gardant une symbiose et une cohérence étonnante. Les scènes se suivent mais ne se ressemblent pas, ce qui donne un amalgame original et rafraîchissant. Les interprétations sont toutes parfaites, en particulier celles de Magali Noël et d’Armando Brancia, le père de Titta. Les décors et les costumes, ou plutôt l’arrangement des couleurs, surtout, sont travaillés au point que chaque plan du film pourrait être une peinture. Visuellement, c’est tout simplement un bijou, surtout depuis la restauration proposée par Criterion.

Un paradoxe nous habite en ce moment. Il est difficile de parler plus longuement du film puisque n’importe laquelle des scènes que l’on pourrait citer ne font pas vraiment de sens prises hors de leur contexte, et pourtant on aurait envie d’en dire plus. La conclusion est fort probablement qu’Amarcord est un film qui se vit, et par lequel il faut se laisser guider. On ne ressort pas nécessairement grandi après l’écoute du film, et il ne nous apprend finalement que peu de choses. Toutefois, rarement un visionnement n’aura passé aussi rapidement et nous aura gardé aussi investi dans un film. C’est la preuve de la très grande maîtrise de Fellini, qui parvient à créer des personnages particulièrement intéressants et à les représenter d’une façon tout simplement mémorable (notamment la propriétaire de la tabagie). Rappelant l’œuvre de Wes Anderson par moments, Amarcord est tout simplement une œuvre que vous n’oublierez jamais. Chapeau!

Fait partie de la Collection Criterion (#4).

Fait partie des 1001 films à voir avant de mourir.

1 commentaire

  1. La Collection Criterion (#21-30) – Ciné-Histoire sur juillet 21, 2020 à 3:32 am

    […] Amarcord (1973) de Federico […]

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